1933 – Rapport Jury Henri Pirenne

 

Remise solennelle du Prix Francqui
par Sa Majesté Le Roi Albert Ier et La Reine Elisabeth
à la Fondation Universitaire le 15 mai 1933

 

Curriculum Vitae – Rapport du Jury – Discours

 

 

Henri Pirenne

 

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Présence Royale – En se rendant à la Fondation Universitaire le 15 mai 1933 pour remettre le Prix Francqui au Professeur Henri PIRENNE, Sa Majesté le Roi Albert a créé une tradition que Leurs Majestés le Roi Léopold III et le Roi Baudouin ont scrupuleusement respectée.

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Curriculum Vitae

(23/12/1862 – 24/10/1935)

Né à Verviers, le 23 décembre 1862

Diplôme universitaire :

Docteur en philosophie et lettres (histoire), Université de l’Etat à Liège, 1883

Fonctions :

Professeur émérite de l’Université de l’Etat à Gand, 1930

Curriculum vitae :

Chargé de cours à l’Université de l’Etat à Liège, 1885-1886
Professeur extraordinaire à l’Université de l’Etat à Gand, 1886-1889
Professeur ordinaire à la Faculté de Philosophie et Lettres : histoire, 1889-1930
Professeur émérite, 1930
Membre de la commission royale pour le publication des anciennes lois et ordonnances de Belgique, 1906
Recteur de l’Université de l’Etat à Gand, 1919-1921
Membre du Conseil d’Administration de la Fondation Universitaire, 1920-1921
Président de l’Union académique internatinale, 1920-1922
Président de la Commission des Publications et des Subsides de la Fondation Universitaire, 1920-1923
Président de la Commission des Archives de Guerre, 1920
Président du Conseil de Perfectionnement de l’Enseignement supérieur, 1921-1924
Membre de la Commission des échanges de professeurs, 1921-1925
Président du Vème Congrès international des Sciences historiques, 1922
Président de la Commission de révision du règlement de la Fondation Universitaire et du Fonds National de la Recherche Scientifique, 1925-1926
Président de la Commission des bourses de voyage de la Fondation Universitaire, 1925-1928; Membre, 1932-1935
Vice-Président du Comité international des Sciences historiques, 1926
Président de la Commission pour les besoins les plus urgents de la Science en Belgique, 1927-1928
Membre du Comité de propagande du Fonds National de la Recherche Scientifique, 1927-1928
Membre de la Commission d’Histoire du Fonds National de la Recherche Scientifique, 1928-1934
Membre de la Commission spéciale de constitution du Fonds National de la Recherche Scientifique, 1928-1935
Président du Comité Permanent des Bibliothèques Scientifiques de la Fondation Universitaire, 1928-1935
Membre de la Commission des bourses américaines de la Fondation Universitaire, 1929-1932
Président de l’Institut Historique Belge de Rome, 1930
Professeur agréé à l’Université Libre de Bruxelles, 1931-1932

Distinctions scientifiques

Lauréat du Concours des bourses de voyage du Gouvernement, 1883
Prix du Concours quinquennal d’histoire nationale (11e période, 1896-1900 et 14e période, 1911-1915)
Prix Raymond, décerné par l’Académie Française, 1919
Prix Francqui, 1933
Membre titulaire, 1903; Directeur de la Classe des Lettres et des Sciences morales, 1914 et 1919; Président de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, 1919
Secrétaire de la Commission royale d’Histoire, 1907-1935
Membre associé de l’Institut de France (Académie des Inscriptions de Belles-Lettres), 1910
Membre de la British Academy, 1918
Membre de l’American Academy, 1923
Membre correspondant de l’Académie d’Amsterdam, 1904
Membre correspondant de l’Académie de Göttingen, 1906
Membre correspondant de l’Académie de Vienne, 1908
Membre correspondant de l’Académie de Munich, 1911
Membre correspondant de l’Académie de Madrid, 1917
Membre correspondant de l’Académie d’Oslo, 1917
Membre correspondant de l’Académie de Leningrad, 1918
Membre correspondant de l’Académie de Copenhague, 1920
Membre correspondant de l’Académie de Pologne, 1924
Membre correspondant de l’Académie de Roumanie, 1924
Membre correspondant de l’Académie de Tchécoslovaquie, 1926
Membre correspondant de l’Académie de Stockholm, 1931
Membre d’honneur de la section historique de l’Institut Grand-Ducal de Luxembourg, 1933
Docteur honoris causa de l’Université de Leipzig, 1909
Docteur honoris causa de l’Université de Tübingen, 1911
Docteur honoris causa de l’Université de Gronignen, 1914
Docteur honoris causa de l’Univeristé de Manchester, 1914
Docteur honoris causa de l’Université Libre de Bruxelles, 1919
Docteur honoris causa de l’Université de Strasbourg, 1919
Docteur honoris causa de l’Université d’Oxford, 1919
Docteur honoris causa de l’Université de Paris, 1921
Docteur honoris causa de l’Université d’Edimbourg, 1922
Docteur honoris causa de l’Université de Bordeaux, 1924
Docteur honoris causa de l’Université de Saint-Andrews, 1926
Docteur honoris causa de l’Université de Cambridge, 1930
Docteur honoris causa de l’Université d’Alger, 1931
Docteur honoris causa de l’Université de Dijon, 1931
Docteur honoris causa de l’Université de Montpellier, 1932
Docteur honoris causa de l’Université de Toulouse, 1934

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Rapport du Jury (12 mai 1933)

Considérant que par la maîtrise dans l’assimilation de la matière et dans l’interprétation des sources, par l’acuité et la justesse de l’intuition historique, par le souci constant de l’objectivité, par la sérénité u jugement, par la solidité et l’harmonie de la synthèse, par la clarté et l’élégance de l’exposition,

le tome VII de l’Histoire de Belgique de Monsieur le Professeur Henri PIRENNE, couronnant l’oeuvre antérieure du Maître, a récemment apporté à la science une contribution importante qui a augmenté le prestige international de la Belgique,

décide de conférer le Prix Francqui 1933 à Monsieur le Professeur Henri PIRENNE.

Jury international dans lequel siégeaient :

Le Recteur S. Charlety
Recteur de l’Université de Paris

                                                                    Président

Monsieur J. Cuvelien
Archiviste général du Royaume

Le Professeur H. Temperley
Professeur à l’Université de Cambridge

Le Professeur van der Essen
Professeur à l’Université Catholique de Louvain

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Discours du Professeur Henri Pirenne,

Monseigneur, Madame,

En daignant rehausser de Votre présence l’éclat de cette cérémonie, Vos Altesses Royales ont fait au premier titulaire du Prix Francqui un honneur pour lequel il les prie d’agréer l’expression de sa respectueuse gratitude.  Peut-être lui, permettrez-vous, Monseigneur, de rappeler en ce moment qu’il eût jadis la fierté de Vous compter parmi les auditeurs de son cours d’histoire de Belgique à l’Université de Gand et d’oser espérer que ce souvenir a pu contribuer à la bienveillance dont Vous lui donnez aujourd’hui une preuve si manifeste.

Monsieur le Président,

Vous avez voulu, en fondant le Prix magnifique qui porte Votre nom, non seulement, recompenser le travail scientifique, mais en affirmer la valeur et la portée.  Et en agissant ainsi, vous êtes resté fidèle à la noble pensée qui, durant ces années terribles de la guerre où vous avez organisé le ravitaillement de la nation, s’était présentée à votre esprit.

Vous avez compris l’indispensable besoin qui allait s’imposer à un pays sortant d’une crise épouvantable, de ne pas laisser dépérir chez lui cette culture scientifique qui est la condition première de toute vie nationale digne de ce nom.  Aux bienfaits éminents qu’a rendus la Fondation Universitaire conçue par vous à cette époque où tant de gens désespéraient de l’avenir, la Fondation Francqui vient de s’adjoindre pour doubler l’efficience de l’oeuvre admirable de relèvement intellectuel que vous avez accomplie avec le robuste optimisme des grands réalisateurs.

D’avoir été le premier à recevoir le Prix dont vous avez voulu que l’importance matérielle correspondit à la signification intellectuelle, restera le couronnement de ma carrière.

Et sans doute le hasard a été heureux qui a voulu que cette récompense instituée par un grand Belge, échut précisément à une histoire de Belgique.  Cette histoire, j’y ai consacré mon labeur durant trente-cinq années et cette persévérance a été soutenue par l’admiration croissante que j’ai éprouvée pour mon sujet.  Je ne puis mieux faire qu’en répétant ici ce que je disais il y a déjà de longues années : Il n’a existé, je crois, nulle part en Europe, sur un espace aussi resserré que celui de notre Patrie, une égale variété de civilisation, un développement aussi attrayant, aussi pittoresque, aussi émouvant.  Baignant pour ainsi dire dans l’ambiance européenne, oeuvre collective de deux grandes nationalités, la romane et la germanique, notre histoire apparaît quand on l’étudie dans son ensemble non seulement comme une des plus instructives des histoires par la variété même de ses manifestations, mais aussi comme une des plus vraiment humaines.  Ce qui la vivifie, ce n’est point l’exclusivisme national, dont la force a trop souvent pour rançon, chez les peuples qu’ils domine : l’étroitesse et l’égoisme.

Elle présente au contraire, grâce à la variété des influences qui ont agi sur elle, grâce à la situation de notre territoire au point sensible de l’Europe, le spectable d’une activité libérale, accueillante, confiante et généreuse en laquelle se résume le meilleur de ce que, Flamands et Wallons, nous avons produit ensemble sans nous enlever cependant ni aux uns, ni aux autres, nos caractères distinctifs.  A côté ou par dessus la civilisation flamande et la civilisation wallonne et les supposant toutes les deux, on voit se dégager depuis le Moyen-Age une civilisation belge qui se précise à mesure que nos diverses provinces s’agglomèrent en un corps d’Etat et, dès que le XVème siècle, constituent sur la carte de l’Europe cette nationalité qui est la nôtre.  La Belgique, disait-on au XVIème siècle, est une terre comme à toutes les nations.  C’est en cela que consiste son originalité et son intérêt.  Elle est, suivant une expression devenue banale, un microcosme de l’Europe……..

Elle est en quelque sorte une préfiguration de ce que pourrait être un jour une fédération européenne, si celle-ci doit jamais réaliser le double idéal qui, à toutes les époques, a été celui de ce pays : la Paix et la Liberté.

Cette qualité supérieure de notre histoire explique sans doute la faveur avec laquelle a été acueilli un ouvrage qui n’a d’autre mérite que d’avoir cherché à la comprendre et à l’exposer.  Si fier que je sois du jugement porté sur mon travail par un Jury que sa composition internationale appropriait aussi parfaitement que le Science de ces Membres à apprécier une histoire de Belgique, je ne puis m’empêcher de penser que la haute distinction que nous fêtons aujourd’hui a été attribuée à mon sujet bien plus qu’à moi-même.

Ce sujet, Mesdames et Messieurs, nous l’aimons tous puisqu’il se confond avec la Patrie.

Et je suis heureux de me dire en terminant que c’est à elle, aussi bien qu’à la Science, que vous avez voulu rendre hommage dans cette première et solennelle célébration du Prix Francqui.

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