1993 – Rapport Jury Gilbert Vassart


Remise solennelle du Prix Francqui
par Sa Majesté Le Roi Albert II et la Reine Paola
à la Fondation Universitaire le 22 juin 1993

Curriculum Vitae – Rapport du Jury – Discours

Gilbert Vassart

Curriculum Vitae

Né le 18 février 1944

Diplôme universitaires :

Docteur en médecine, chirurgie et accouchements, Université Libre de Bruxelles, 1969
Agrégation de l’enseignement supérieur, Université Libre de Bruxelles, 1974
Reconnaissance comme spécialiste en biologie clinique : 1975

Fonctions académiques :

Chef de clinique, Hôpital Erasme, Service de chimie, Université Libre de Bruxelles, 1983
Directeur du Service de Génétique Médicale, Centre de génétique de l’Université Libre de Bruxelles, Hôpital Erasme, 1988
Chef du service de Génétique Médicale, Hôpital Erasme, 1996
Titulaire du cours « Eléments de génétique médicale », Université Libre de Bruxelles, 1989

Curriculum Vitae

Aspirant au FNRS, 1970-1974
Chargé de recherche FNRS, 1974-1978
Chercheur qualifié FNRS, 1978-1982
Maître de recherche FNRS, 1982-1983
Chargé de cours : Eléments de biochimie pathologique (1re licence en Sciences dentaires), 1977-1983
Chargé de cours à temps partiel : Génétique (Post-graduat en recherche médicale), Vrije Universiteit Brussel, 1987-1989

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Rapport du Jury (17 avril 1993)

Considérant sa carrière de plus de vingt ans d’excellent travail scientifique, dans des domaines d’importance fondamentale et clinique;

considérant la première phase de ses recherches, concentrée sur le recours à la biologie moléculaire dans la clarification de problèmes importants concernant la fonction de la thyroïde;

considérant ses réalisations dans les domaines de la structure, de la fonction et de la portée physiologique et clinique de facteurs d’importance capitale comme la thyroglobuline, la peroxydase dans la thyroïde et les récepteurs de l’hormone thyrotrope, qui l’ont conduit à être reconnu comme un expert de réputation mondiale dans ces domaines;

considérant l’originalité de son approche expérimentale et la largeur de son champ d’intérêts, qui le font contribuer de manière régulière à des domaines nouveaux et en éclosion de la recherche;

considérant que son travail a fonction de semence et d’inspiration dans le domaine de l’identification d’un nombre important de nouveaux membres de la famille déjà importante des récepteurs hormonaux;

considérant les bénéfices que ces travaux apportent au genre humain, lesquels seront ressentis pendant de nombreuses années;

décide d’attribuer le Prix Francqui 1993 à Monsieur Gilbert Vassart, Professeur à l’Université Libre de Bruxelles.

Jury international dans lequel siégeaient :

Le Professeur Hilary KOPROWSKI
Professor at the Thomas Jefferson University
Philadelphia – USA
                                                             Président

Le Professeur Klaus BAYREUTHER
Professor at the Universität Hohenheim
Institut für Genetik
Stuttgart – Allemagne

Le Professeur John A. BEARDMORE
Professor in the School of Biological Sciences
University Wales
Swansea – UK

Le Professeur Marc G. CARON
Investigator, Howard Hughes Medical Institute
Dept. of Cell Biology – Duke University Medical Center
Durham – USA

Le Professeur Erol CERASI
Professor of Endocrinology
The Hebrew University Hadassah Medical School
Jerusalem – Israël

Le Professeur Sergey Fedoroff
Professor at the Department of Anatomy
University of Saskatchewan
Canada

Le Professeur Frank GANNON
Professor at the University College
Galway – Irlande

Le Professeur Antonio GARCIA-BELLIDO
Professor at the Universidad AUtonoma de Madrid
Espagne

Le Professeur Jacques HANOUNE
Directeur de Recherches I.N.S.E.R.M.
Directeur Scientifique de l’U.99
Hôpital Henri Mondor
Creteil – France

Le Professeur Denis NOBLE
Professor at the Laboratory of Physiology
University of Oxford
UK

Le Professeur Heinz SAEDLER
Professor at the Max-Plank-Institut für Züchtungsforschung
Köln – Allemagne

Le Professeur José M. SAEZ
Directeur de Recherches à l’I.N.S.E.R.M.
Directeur de l’U 307 – Hôpital Debrousse
Lyon – France

Le Professeur Maxime SCHWARTZ
Directeur de l’Institut Pasteur
Paris – France

Le Professeur Brian SPRATT
Professor of Biological Sciences
The University of Sussex
Falmer Brighton – UK

Le Professeur Joseph TAGER
Emeritus Professor in de Biochemie
Universiteit van Amsterdam
Pays-Bas

Le Professeur Klaus WEBER
Professor of Biochemistry
Max-Plank-Institut für Biophysikalische Chemie
Göttingen – Allemagne

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Discours du Baron Jacques Groothaert,
Président de la Fondation Francqui

Sire, Madame,

La Fondation Francqui est infiniment honorée par la présence de Vos Majestés à cette séance solennelle annuelle et vous exprime sa respectueuse gratitude.

Chaque année, le Prix Francqui, dont le prestige n’est plus à démontrer, couronne le travail et les réalisations d’un chercheur belge particulièrement méritant.

Il y a soixante ans que fut décerné le premier de ces prix : en 1933, le grand historien Henri PIRENNE en fut le titulaire.  Depuis, cinquante-neuf éminents représentants de notre monde scientifique ont vu couronner leurs travaux, alternativement dans les domaines des Sciences Humaines, Naturelles et Médicales, Mathématiques, Chimiques et Physiques.

Avant de rendre hommage au Lauréat de 1993, qu’il me soit permis de souligner brièvement quelques aspects de l’activité de la Fondation Francqui dans sa mission constante de soutien et d’encouragement à la recherche scientifique et aux échanges interuniversitaires.

L’octroi des Chaires Francqui favorise une collaboration confiante entre les diverses institutions universitaires de notre Pays, par-delà toute différence de caractère philosophique ou linguistique.

La volonté de travailler ensemble, dans tous les domaines, est un signe à tous égards positif qui démontre que l’appel du Souverain à l’entente et à la coopération entre nos communautés demeure entendu.

Je ferai mention également de l’octroi régulier des Francqui-Fellowships grâce auquel, en entente étroite avec la « Belgian American Educational Foundation », des chercheurs et professeurs belges ont la possibilité d’approfondir leurs connaissances par un séjour dans de prestigieuses universités américaines.  Cette année, huit de nos compatriotes en bénéficient.

Par ailleurs, nous permettons à nos centres d’enseignement universitaire d’accueillir des collègues étrangers.

Notre vocation de promotion des échanges internationaux, vitale pour un Pays comme le nôtre, placé au coeur et au carrefour des cultures, trouve ainsi sa réalisation.

Enfin, qu’il me soit permis d’évoquer, à titre exemplatif, quelques modalités de l’intervention de la Fondation Francqui pour aider des publications comme celle d’une édition monumentale consacrée à Rubens par le « Nationaal Centrum voor de plastische kunsten van de zestiende en zeventiende eeuw », pour apporter un soutien à des instituts universitaires confrontés à des problèmes temporaires de financement, ou pour examiner la possibilité de permettre la poursuite – menacée par des conflits de compétence et de moyens nés de l’évolution institutionnelle de l’Etat – de recherches archéologiques dans le monde, un domaine dans lequel la Belgique, faut-il le rappeler, a acquis une réputation remarquable.

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Après dix années au cours desquelles il a oeuvré, avec une rare compétence et la sagesse qui le caractérise, pour diriger les activités de notre Fondation, le Professeur Pierre de BIE a souhaité être déchargé de ses fonctions d’Administrateur-Délégué.  La Fondation Francqui, dont il est devenu Administrateur en 1965, lui doit beaucoup, et nous nous réjouissons de le voir, en qualité désormais de Vice-Président du Conseil d’Administration, continuer à nous apporter l’aide précieuse de son expérience et de sa perspicacité.

Le Professeur Luc EYCKMANS, Directeur de l’Institut de Médecine Tropicale Prince Léopold, a accepté de succéder au Professeur de BIE dans ses fonctions d’Administrateur-Délégué.

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Sire, Madame,

En sa séance du 20 avril 1993, le Conseil d’Administration de la Fondation Francqui a décerné le Prix Francqui 1993 au Professeur Gilbert VASSART, faisant siennes les conclusions d’un Jury international composé, comme toujours, de personnalités prestigieuses appartenant au monde universitaire de huit pays, présidé par le Professeur Hilary KOPROWSKI, de l’Université de Philadelphie.

Voici en quels termes le jury explicite son choix :

« Par cette décision, le Jury a rendu hommage à une carrière de plus de vingt ans d’excellent travail scientifique, dans des domaines d’importance fondamentale et clinique.  Après ses études de médecine, la première phase des recherches du Professeur Gilbert Vassart a été concentrée sur le recours à la biologie moléculaire dans la clarification de problèmes importants concernant la fonction de la thyroïde.  Ses réalisations dans les domaines de la structure, de la fonction et de la portée physiologique et clinique de facteurs d’importance capitale comme la thyroglobuline, la peroxydase dans la thyroïde et les récepteurs de l’hormone thyrotrope, l’ont conduit à être reconnu comme un expert de réputation mondiale dans ces domaines.  Cependant, la présente recommandation ne se limite pas à cet excellent travail.  Par l’originalité de son approche expérimentale et la largeur de son champ d’intérêts, le Professeur Vassart continue à contribuer de manière régulière à des domaines nouveaux et en éclosion de la recherche.  Dans ce sens, le Jury a cité son travail qui a fonction de semence et d’inspiration dans le domaine de l’identification d’un nombre important de nouveaux membres de la famille déjà importante des récepteurs hormonaux.  Les bénéfices que ces travaux apportent au genre humain seront ressentis pendant de nombreuses années ».

Né le 18 février 1944, M. Gilbert Vassart a fait ses études à l’Université Libre de Bruxelles.

Assistant bénévole du Service de Médecine de l’hôpital St Pierre de 1969 à 1970, il fut Aspirant, Chargé de Recherche, Chercheur qualifié puis Maître de Recherche FNRS de 1970 à 1983, cependant qu’en 1975, il obtenait une Reconnaissance de spécialité en Biologie clinique et en 1977, un Certificat de Compétence pour la détention et l’utilisation de radioisotopes in vitro.

En 1983, il fut nommé Chef de clinique à l’hôpital Erasme; depuis 1988, il est Directeur du Service de Génétique Médicale du Centre de Génétique de l’Université Libre de Bruxelles, où il est également titulaire du cours « Eléments de Génétique Médicale », depuis 1989.

C’est pour nous un motif de grand satisfaction et de fierté d’avoir pris connaissance du témoignage admiratif d’éminents professeurs d’Europe et d’Amérique, à l’égard de l’ampleur et de la qualité des travaux réalisés par la communauté scientifique de Belgique, qui a su – malgré les dimensions réduites du Pays et des moyens souvent trop chichement mesurés – se maintenir à l’avant-plan de la recherche et de l’investigation.

En ces temps souvent difficiles, confrontés aux problèmes complexes et parfois angoissants d’une société en constante mutation, où se rencontrent dans une synthèse féconde les interrogations philosophiques et scientifiques, nous pouvons y trouver motif d’orgueil et de confiance.

Les capacités intellectuelles et leurs applications dans un processus permanent d’approfondissement et de clarification, au bénéfice des hommes et des femmes, dans leur vie quotidienne et dans leurs perspectives d’avenir, constituent la matière première du futur.

La Belgique tient son rang dans cet effort collectif de recherche et d’enseignement.  La Fondation Francqui, par l’octroi de son Prix annuel, reste fidèle à sa mission.

Elle est sensible à l’intérêt vigilant que le Roi porte à son action, et Lui est reconnaissante d’accepter de remettre le Prix Francqui 1993 au Professeur Gilbert Vassart.

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Discours du Professeur Gilbert Vassart

Sire, Madame,

Au moment de recevoir des mains de leurs Majestés le diplôme du Prix Francqui, c’est la joie d’avoir été choisi qui domine, et la conscience de l’honneur que leurs Majestés me font en rehaussant cette cérémonie de leur présence.  Mais, l’esprit critique du chercheur, émoussé sans doute car il s’exerce sur sa propre personne, veille.  Aussi la joie et la fierté comportent-elles une touche de doute, que renforce la présence ici d’anciens et illustres Lauréats, et la conscience aiguë de la dette que l’on a accumuléer envers une longue liste e collaborateurs.  Je voudrais dire à leurs Majestés quel encouragement représente ce Prix, et la solennité qui entoure son attribution, pour mes collaborateurs proches, pour mes collègues et pour la recherche biomédicale belge.

Sire, Madame, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

Lorsqu’on a l’honneur d’être distingué comme je le suis aujourd’hui, c’est un devoir bien agréable de se pencher sur le passé et de remercier ceux qui vous ont fait ce que vous êtes.  Le généticien qui sait l’importance de l’inné se doit de remercier les hasards de la recombinaison méiotique, ou encore la providence, qui président à la définition génétique de chacun d’entre nous.  Mais il sait aussi combien déterminant est le rôle de l’éducation.  A mes parents, je dois tout et sûrement beaucoup plus que ce dont j’ai conscience; le goût pour la science dans un milieu où on ne la pratiquait pas, le respect pour la connaissance et l’étude.  A ce propos, je voudrais remplacer le traditionnel appel des Lauréats pour un financement plus large de la recherche par un plaidoyer sincère pour l’école.  C’est avant tout, l’école communale et l’athénée des années cinquante qui ont fait du petit-fils d’un machiniste le Lauréat du Prix Francqui.  Aucun effort ne devrait être épargné pour assurer la meilleure éducation possible à nos descendants et pour veiller à ce que l’école redevienne le lieu de rencontre d’enfants d’horizons sociaux différents.  Aucune profession n’est plus digne de notre respect que celle d’enseignants remplissant bien leur tâche.

Parmi les organismes qui m’ont fait confiance, je réserve ma reconnaissance la plus profonde au Fonds National de la Recherche Scientifique, seule institution qui offre au jeune médecin l’occasion de s’essayer à la recherche avec réalisme, dans une atmosphère de complète liberté.  Mais c’est d’abord ma rencontre avec un homme qui orienta et concrétisa mon désir de pratiquer la recherche.  Dans le cadre stimulant qu’il avait créé à l’Université Libre de Bruxelles, l’Institut de Recherche Interdisciplinaire, Jacques Dumont m’a accueilli; je le remercie pour ces vingt années au cours desquelles l’élève et le maître sont devenus collaborateurs et amis et, chose plus rare, le sont restés.

Le Prix récompense une personne quand chacun sait que la recherche biomédicale et avant tout le fait d’équipes.  J’espère que tous ceux qui ont contribué, ou qui contribuent aujourd’hui aux travaux que le jury a bien voulu distinguer, savent combien je leur suis reconnaissant et quel plaisir j’ai à travailler avec eux.

Enfin, la recherche en génétique moléculaire est extrêmement coûteuse; nous n’aurions rien pu accomplir sans le soutien de l’Université Libre de Bruxelles, du Ministère de la Politique Scientifique, du FNRS et du FRSM, de l’IRSIA, de la CGER, du National Institute of Health, de la Communauté Economique Européenne, de l’Association contre le Cancer, de Télévie et de bien d’autres organismes plus modestes, comme les Fondations Hoguet et Van Buren, mais dont l’aide a été capitale.

Le généticien sait depuis plus d’un siècle que le patrimoine génétique d’une espèce résulte de l’équilibre entre la création continuelle de la diversité et le tamisage des gènes par l’évolution.  Il en résulte que chaque individu est unique et donc armé différemment pour résister aux pressions de sélection qui constituent la nature même de la vie.  L’inégalité génétique et un fait (devant la maladie, par exemple) et la grandeur d’une société se mesure à sa capacité à estomper ces inégalités par l’éducation et la médecine.  L’embryologiste sait également depuis longtemps que toute l’information nécessaire à la création d’un individu est présente dans l’oeuf fécondé : les jumeaux monozygotiques sont physiquement identiques jusque dans les moindres détails.  Néanmoins, la conscience que l’on peut avoir de l’importance du texte génétique serait restée du domaine de la philosophie si les moyens de déchiffrer ce texte ne nous avaient pas été fournis par la génétique moléculaire.  Au cours des vingt-cinq dernières années, les biologistes moléculaires ont forgé les outils et les concepts qui nous permettent actuellement de lire l’information génétique avec une relative facilité.

Je ne m’attarderai pas ici sur les implications étiques, certaines très réelles, d’autres imaginaires, de ces nouvelles technologies, mais je voudrais vous faire partager la passion avec laquelle nous avons vécu l’application de la génétique moléculaire à la compréhension des phénomènes biologiques.  Deux comparaisons historiques viennent à l’esprit : la description du corps humain par les anatomistes de la Renaissance et la cartographie du monde, à la même époque.  Par leur caractère à première vue « sacrilège », la dissection de cadavres et l’analyse de notre patrimoine génétique ont déclenché les mêmes réactions émotionnelles; l’anatomie a fourni les bases au développement de la physiologie, de la médecine et de la chirurgie actuelle, l’analyse du génome humain établit les fondements de la médecine future.  Comme au moment de l’établissement des premières mappemondes, l’acquisition de chaque nouvelle séquence d’ADN, si courte soit-elle, et son placement précis sur la carte du génome humain, constituent une connaissance nouvelle, définitive, qui trouvera un jour son rôle dans notre compréhension des phénomènes biologiques ou dans le traitement de maladies.

Le point de départ de notre recherche a été compréhension du fonctionnement normal et pathologique de la glande thyroïde.  Les hormones thyroïdiennes sont indispensables à toutes les étapes du développement cérébral humain et au maintien de virtuellement toutes les fonctions vitales.  D’emblée, nous avons abordé cette étude en décidant de ne pas analyser directement les protéines impliquées dans la production des hormones thyroïdiennes, mais en tentant de caractériser, puis d’isoler les séquences d’acides nucléiques qui contiennent l’information nécessaire à leur synthèse.  Ceci nous a conduit à définir la structure de la thyroglobuline et de la thyroperoxydase, les deux protéines jouant un rôle clé dans la biosynthèse de la thyroxine et a fourni les bases permettant de comprendre leurs fonctions en termes moléculaires.  La connaissance de la structure des gènes normaux et du contrôle de leur expression a permis l’identification de mutations responsables d’hypothyroïdies congénitales.

Plus récemment, le clonage moléculaire du gène codant pour le récepteur de la thyrotropine, une autre protéine jouant un rôle déterminant dans la fonction thyroïdienne normale et pathologique, a été l’occasion de découvertes inattendues qui illustrent la puissance de l’approche génétique et qui ont élargi considérablement le champ de nos recherches.  Les gènes sont souvent organisés en familles présentant des caractéristiques communes : ainsi, le récepteur de la thyrotropine appartient-il à une grande famille génique de récepteurs membranaires impliqués dans une multitude de phénomènes physiologiques et pathologiques.  A l’occasion du clonage du récepteur de la thyrotropine, nous avons élaboré une méthode qui nous a conduits à cloner simultanément plusieurs dizaines de gènes codant pour des récepteurs de cette même famille, et dont un grand nombre étaient totalement inconnus.  Sans entrer dans les détails de ce travail qui constitue un des axes de recherche que nous poursuivons activement, cette étude démontre comment une analyse au départ purement génétique et centrée sur un problème thyroïdien précis, nous a conduit à identifier des molécules nouvelles, impliquées dans des domaines très différents de la médecine.  Parmi celles-ci, les récepteurs de l’adénosine, un agent régulateur important des fonctions cérébrales et cardiovasculaires et un récepteur de la sérotonine sur lequel agit le plus puissant anti-migraineux connu.  Bien que la fonction précise de certaines de ces molécules (que l’on qualifie parfois de « conceptuelles », car connues uniquement au départ de leurs gènes) reste à découvrir, leur appartenance à la famille des récepteurs membranaires est la garantie qu’il s’agit d’éléments jouant des rôles physiologiques importants.  Si l’on sait que les récepteurs, en général, constituent les cibles privilégiées d’une très grande proportion des médicaments parmi les plus actifs (en neuropsychiatrie, en cardiologie, en gastro-antérologie….), on comprend que l’étude de ces gènes ouvre la voie à une nouvelle physiologie, mais aussi à la pharmacologie correspondante.

Sire, Madame,

La recherche fondamentale est une lutte contre la réalité où il devient banal de dire que l’on trouve souvent ce qu’on ne cherchait pas.  L’utilité immédiate de la découverte importe peu, la découverte seule importe.  Même si la limite entre la technologie, qui vise essentiellement à faire, et la recherche fondamentale dont le but doit rester de comprendre, devient parfoir floue, une société se doit, sous peine de s’abandonner au mercantilisme, d’entretenir à un niveau élevé la motivation du public et, en particulier, des plus jeunes, pour la recherche scientifique désintéressée.  Par leurs présences ici aujourd’hui et par leur soutien à la Fondation Francqui, à la Fondation Universitaire et au Fonds National de la Recherche Scientifique, leurs Majestés démontrent l’intérêt qu’Elles protent à la recherche fondamentale.  Au nom de tous les chercheurs belges, je Les en remercie profondément.

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