1972 – Rapport Jury Jean-Edouard Desmedt


R
emise solennelle du Prix Francqui
par Sa Majesté Le Roi Baudouin
à la Fondation Universitaire le
20 juin 1972

Curriculum Vitae – Rapport du Jury – Discours

Jean-Edouard Desmedt

Curriculum Vitae

(1926-2009)

Né à Wavre, le 19 février 1926

Diplômes universitaires :

Docteur en médecine, Université Libre de Bruxelles, 1950.
Agrégé de l’enseignement supérieur, Université Libre de Bruxelles, 1956.

Fonctions :

Professeur à la Faculté de médecine de l’Université Libre de Bruxelles : neurophysiologie humaine, physiopathologie du système nerveux.
Directeur de l’Unité de Recherche sur le Cerveau.

Curriculum vitae :

Chercheur libre au laboratoire de pathologie générale de l’Université Libre de Bruxelles, 1945-1950.
Lauréat du Concours universitaires, 1947-1949.
Lauréat du Concours des bourses de voyage du Gouvernement, 1951.
Assistant à l’Université Libre de Bruxelles, 1950-1956.
British Council Scholar à l’Université de Cambridge, 1951-1952.
Graduate Fellow de la Belgian American Educational Foundation, 1952-1953.
Chef de travaux, 1956-1961.
Associé du Fonds National de la Recherche Scientifique, 1957-1961.
Agrégé, 1959-1961.
Chargé de cours, 1961-1967.
Directeur de l’Unité de Recherche sur le Cerveau, 1962.
Professeur ordinaire, 1967.
Professeur d’échange à l’Université d’Oxford, 1963.
Professeur d’échange à l’Université de Bologne, 1968.
Membre de l’Association des Physiologistes de langue française, 1954.
Membre titulaire de la Société d’Electroencéphalographie et de Neurophysiologie clinique de langue française, 1954.
Membre de la New York Academy of Sciences, 1957.
Membre titulaire de la Société française de Psychologie, 1958.
Membre de la Acoustical Society of America, 1959.
Membre de la Société belge de Neurologie, 1959.
Membre d’honneur de la Société française de Neurologie, 1961.
Membre fondateur et Secrétaire général de la Société belge d’Electromyographie, 1962.
Membre d’honneur de la Societa Italiana di Biologia sperimentale, 1963.
Membre de la American Biophysical Society, 1963.
Membre du Collegium Oto-Rhino-Laryngologicum Amicitiae Sacrum, 1963.
Membre d’honneur de la American Association for Electromyography and Electrodiagnosis, 1965.
Membre de la Société d’Ergonomie de langue française, 1965.
Membre de la International Primatological Society, 1966.
Membre de la International Society for Electromyographic Kinesiology, 1967.
Membre de la Ligue belge contre la Myopathie, 1965 ; Président, 1967-1974.
Fellow de la Royal Society of Medicinie, Grande Bretagne, 1967.
Membre associé, 1957 ; Membre titulaire de la Physiological Society, Grande-Bretagne, 1968.
Président du Groupe de contact Neurophysiologie clinique du Fonds de la Recherche Scientifique Médicale, 1968.
Membre de la Société belge de Biologie, 1956 ; Vice-Président, 1969.
Membre de la commission de Neurophysiologie de l’International Union of Physiological Sciences, 1970.
Président du Comité des subventions et bourses de la Brain Research Organization, 1968 ;  Membre du Comité exécutif, 1969 ; Président du Congrès annuel en 1970.
Membre de la International Society for Developmental Psychobiology, 1970.
Membre du Comité exécutif de la Commission des Maladies Neuromusculaires de la World Federation of Neurology, 1971.
Membre du Comité à Pavie pour l’Electromyographie de la International Federation of Societies for Electroencephalography and Clinical Neurophysiology, 1962-1969 ; Membre de la Commission d’Electromyographie, 1969-1973 ; Président du Comité des appareils et méthodes d’électromyographie, 1962-1967 ; Président du 4è Congrès international d’Electromyographie en 1971.
Président du Jury du Prix Scientifique Louis Empain section Sciences naturelles et médicales, 1972.

Membre de la European Brain and Behaviour Society, 1969.

Distinctions scientifiques :

Prix Th. Gluge, 1953.
Prix Alvarenga de Piauhy, 1959.
Prix décennal de Give de Muache, 1960-1970.
Prix Jansen, 1961.
Prix Pfizer, 1965.
Membre correspondant de l’Académie de Médecine de Belgique, 1969.
Titulaire de la Chaire Francqui à l’Université de l’Etat à Liège, 1968-1969.
Titulaire de la Chaire belge à l’Université de Londres, 1969-1970.

* * *
Rapport du Jury (8 avril 1972)

Considérant que le Professeur Jean-Edouard Desmedt a apporté des contributions nombreuses et importantes à la physiologie et à la physiopathologie du système nerveux et du muscle, notamment dans le domaine du contrôle centrifuge des systèmes sensoriels, de la maturation du cortex cérébral et de la transmission neuro-musculaire,

considérant l’intérêt des applications cliniques de ses recherches et le renom international de son oeuvre,

décide de conférer le Prix Francqui 1972 à Monsieur Jean-Edouard Desmedt, Professeur à la Faculté de médecine de l’Université Libre de Bruxelles.

Jury international dans lequel siégeaient :

Le Professeur Eric Martin
Professeur honoraire de l’Université de Genève.

                                                                   Président

et

Le Professeur Denise Albe-Fessard
Professeur à l’Université de Paris

Le Professeur Gustav V.R. Born,
Vandervell Professor à l’Université de Londres et au

Royal College of Surgeons
Londres

Le Professeur François Gros
Professeur à la Faculté des Sciences de Paris

Le Professeur Richard Jung
Professeur à la Albert-Ludwigs-Univesität

Fribourg-en-Brisqau

Le Professeur Yves Laporte
Professeur à la Faculté de Médecine de Toulouse

Le Professeur Helge Larsen
Professeur à l’Université de Trondheim

Le Professeur Denis Noble
Fellow and Tutor au Balliol College

Oxford

Le Professeur Martin Ottesen
Professeur – Directeur de recherche au Laboratoire Carlsberg

Copenhague-Valby

Le Professeur Edward Charles Slater
Professeur à l’Université d’Amsterdam

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Discours de Monsieur Robert Gruslin
Président de la Fondation Francqui

Sire,

Au nom du Conseil d’administration de la Fondation Francqui, jexprime au Roi notre déférente gratitude de bien vouloir – fidèle aux traditions de la Dynastie – remettre solennellement le Prix annuel de notre Fondation.

Votre Majesté nous donne ainsi un précieux encouragement et souligne l’intérêt vital à la recherche scientifique.

Chaque année s’accroît notre dette de reconnaissance vis-à-vis du Roi pour la bienveillante sollicitude qu’Il témoigne à notre Institution dans l’exercice de sa plus haute mission : l’octroi du Prix Francqui.

Sire,

Voici quarante ans que la Fondation Francqui existe; trente-huit Lauréats ont vu leur oeuvre couronnée par ce Prix Francqui internationalement envié. 

Que ce soit dans le domaine de la physiologie du système nerveux, dans l’étude des conjonctures économiques, dans les sciences juridiques, physiques, mathématiques, philosophiques…….tous ces Maîtres ont apporté à la science une contribution dont la valeur a augmenté le prestige de la Belgique.

Je les en félicite avec émotion et je forme des voeux ardents pour que leur exemple se perpétue; il y va de l’avenir du Pays.

Sur rapport d’un Jury international, nous proclamons aujourd’hui notre trente-neuvième Lauréat : Monsieur le Professeur Jean-Edouard Desmedt.

Son oeuvre est de celles qui commandent le respect, elle s’inspire de la pure recherche scientifique désintéressée, dont l’incidence clinique est bien connue de Sa Majesté la Reine notamment.

* * *

Discours du Professeur Jean-Edouard Desmedt

Sire,

La présence du Chef de l’Etat à cette réunion solennelle témoigne de la sollicitude royale pour le progrès scientifique.  Elle maintient vivante une tradition particulièrement significative.  Elle éclaire aux yeux de tous l’importance de la recherche fondamentale qui détermine le devenir de la nation, dans une mesure que l’on ne saurait surestimer à notre époque de progrès accéléré.

Votre Majesté porte un grand intérêt à cette évolution et à la part que notre pays doit y prendre.  Elle donne ainsi à notre communauté scientifique un encouragement essentiel.

Que Votre Majesté veuille bien accepter l’hommage de ma profonde gratitude.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

Je voudrais tout d’abord exprimer toute ma reconnaissance à la Fondation Francqui.  Après m’avoir confié une Chaire Francqui à l’Université de Liège il y a trois ans, elle a bien voulu aujourd’hui ajouter mon nom à la liste prestigieuse des Prix Francqui.

Pour un homme de science belge, la Maison de la rue d’Egmont et les Institutions qui s’y trouvent représentent un point d’appui irremplaçable : elle assure la continuité nécessaire des efforts de recherche, elle favorise les collaborations et confrontations d’idées, et enfin elle encourage et confirme les vocations de chercheur.  J’ai moi-même bénéficié à plus d’une reprise de e soutien au cours de ma carrière.  Je voudrais dire ce que nous devons à cette tradition nourrie de tant de généreux efforts et inspirée d’une intelligence aiguë des facteurs essentiels au développement scientifique.

Recevoir le Prix Francqui représente une étape majeure dans la vie de celui qui s’est consacré entièrement à la science et à l’enseignement universitaire.

La recherche apporte les joines vibrantes, mais rares, de la découverte. Elle fait vivre plus intensément l’expérience humaine, notamment par la participation active aux démarches intellectuelles qui étendent le cercle des connaissances et notre compréhension du monde qui nous entoure.  Le cheminement du chercheur me paraît ainsi très proche de celui de l’artiste, du peintre par exemple, qui étend le registre de nos perceptions en nous faisant voir le monde d’une manière nouvelle.

La recherche scientifique impose également des sacrifices, des efforts et des responsabilités qui sont parfois lourdes notamment lorsque des technologies coûteuses sont utilisées et qu’il s’agit de problèmes en pleine expansion où une compétition internationale amicale mais vigoureuse élève sans cesse les enchères (qui sont d’autant plus passionnantes d’ailleurs).

L’homme de science, formé à la dure école d’une remise en question continuelle de ses hypothèses et de ses résultats, vit journellement ces alternatives et il s’interroge souvent sur la valeur du travail auquel il consacre sa vie.  L’approbation donnée par le Jury éminent constitué par la Fondation Francqui lui apporte un réconfort d’une qualité rare et particulière.  Ce réconfort se caractérise par un sentiment de confiance et de sérénité qui s’accompagne d’une détermination plus totale à se consacrer avec une énergie renouvelée aux problèmes essentiels de sa discipline.

Le Prix Francqui constitue donc, par la limite d’âge imposée, un encouragement et une attente de nouveaux progrès.  Il faut aussi reconnaître qu’il contribue à rendre ces résultats plus probables.

L’action de l’homme de science – comme celle de l’artiste – est projetée vers l’avenir.  Elle est nourrie d’imagination créative, de jugements critiques et esthétiques, d’hypothèses qui seront éventuellement confirmées par l’expérience réussie.  Mais l’oeuvre de l’artiste sera vue pendant des siècles et elle pourra être reconnue même après sa mort.  La contribution de l’homme de science n’a qu’une valeur temporaire et elle doit être nécessairement insérée dans la trame des batailles scientifiques présentes, car demain la frontière aura été poussée plus loin et les enjeux seront différents.

Si les acquisitions de la science ont une valeur objective, la démarche subjective de l’homme de science est ainsi, à certains égards, précaire.  C’est sans doute pour cette raison que la Fondation Francqui décerne son Prix à des chercheurs relativement jeunes.  J’espère pouvoir me montrer digne de ce redoutable honneur.

Je me suis permis de regarder en moi-même, mais je n’oublie pas que la circonstance mémorable vécue aujourd’hui résulte des éléments favorables qui ont permis la maturation de l’oeuvre que vous aviez bien voulu remarquer.

J’ai eu la bonne fortune de sentir dès mon enfance le soutien de parents attentifs et l’exemple de mon père, médecin généraliste dans la tradition ancienne, dont la compétence et la haute valeur morale étaient légendaires dans notre région brabançonne.

Abordant à mon tour les études de médecine à l’Université Libre de Bruxelles, mon intérêt de longue date pour le comportement animal m’a aussitôt porté vers la recherche en physiologie nerveuse.  J’ai eu la chance de pouvoir travailler dès la deuxième candidature dans le laboratoire du Professeur Frédéric Bremer, le fondateur de l’école belge de neurophysiologie, le Maître prestigieux dont l’exemple et les conseils ont orienté ma carrière scientifique.  D’autres influences décisives ont également marqué ma formation : celles de Sir Alan Hodgkin à Cambridge où j’ai passé une année particulièrement féconde, celles de Andrew Huxley et de Sir Bernard Katz à Londres, de Jerzy Rose à Madison, de Paul Weiss à Chicago.  Enfin le soutien des autorités académiques de l’ULB et des fondations belges et américaines a rendu possible la mise en place d’une Unité de Recherche sur le Cerveau qui continue l’oeuvre commencée par M. Bremer.

Dans les périodes de mutation universitaire que nous vivons, il me paraît important de rappeler que rien de grand ne sera réalisé en dehors de traditions essentielles comme le caractère indissociable de l’enseignement et de la recherche au sein de l’Université, et la continuité indispensable du soutien à accorder aux disciplines fondamentales qui commandent tout le progrès technologique.

Ma discipline, vous le savez, c’est la neurophysiologie et les sciences du cerveau qui sont actuellement en plein essor.  La science a enregistré dans d’autres domaines comme la biologie moléculaire ou l’astronautique des progrès retentissants.  Mais une des frontières qui nous présente un défi considérable est celle qui nous sépare des terres largement inconnues de l’organisation fonctionnelle cérébrale et des mécanismes de la perception consciente.

Les acquisitions des vingt dernières années sur le fonctionnement élémentaire des cellules nerveuses ont renouvelé de fond en comble des concepts et les voies d’approche.  L’on peut entrevoir de manière plus réaliste l’immensité des problèmes à résoudre en ce domaine.  L’aventure sera passionnante et, tout en apportant des débuts de réponses aux questions que l’homme peut se poser sur lui-même, elle renouvellera certainement nos moyens d’action et nos conceptions des maladies neuropsychiatriques.

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