1963 – Rapport Hubert Chantrenne


R
emise solennelle du Prix Francqui par
Sa Majesté Le Roi Baudouin et La Reine Fabiola
à la Fondation Universitaire le
30 mai 1963

Curriculum Vitae – Rapport du Jury – Discours

Hubert Chantrenne

Curriculum Vitae

(19/09/1918 – 16/10/2007)

Né à Couvin, le 19 septembre 1918

Diplômes Universitaires

Licencié en sciences chimiques, Université Libre de Bruxelles, 1940
Docteur en sciences, Université de l’Etat à Liège, 1945
Docteur en chimie biologique et microbiologique, Université Libre de Bruxelles, 1945
Agrégé de l’enseignement supérieur, Université Libre de Bruxelles, 1951

Fonctions :

Professeur oridinaire à la Faculté des Sciences de l’Université Libre de Bruxelles : biologie moléculaire et chimie biologique

Curriculum vitaes :

Aspirant du Fonds National de la Recherche Scientifique, 1944-1946
Chargé de recherches du Fonds National de la Recherche Scientifique, 1946-1948
Chercheur qualifié du Fonds National de la Recherche Scientifique, 1949-1951
Research Fellow of the Rockefeller Foundation, 1950
Boursier extraordinaire du Fonds National de la Recherche Scientifique, 1951-1952
Chargé de cours à l’Université Libre de Bruxelles, 1952-1954
Membre des sections Sciences chimiques et Sciences naturelles et Sciences biologiques des Jurys des Prix Louis Empain, 1955 et 1959
Professeur extraordinaire, 1954-1956
Professeur ordinaire, 1956
Membre du Conseil d’administration de la Fondation La Jeunesse Intellectuelle, 1963-1969
Membre du Groupe de travail Virologie du Fonds de la Recherche de la Politique Scientifique, 1964
Membre du Groupe des Sciences exactes du Conseil National de la Politique Scientifique, 1964
Membre de la Commission de Biochimie (normale et pathologique), Biologie moléculaire du Fonds National de la Recherche Scientifique, 1965
Membre du Comité de Gestion du Fonds de la Recherche Fondamentale Collective, 1967-1969
Membre du Conseil et Président du Comité du Fonds de l’Oganisation Européenne de Biologie moléculaire (E.M.B.O.), 1967

Distinctions scientifiques :

Lauréat du Concours des bourses de voyage du Gouvernement, 1948
Prix. A. Wetrems, 1954
Prix Th. Gluge, 1957

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Rapport du Jury (20 avril 1963)

Considérant que Monsieur Hubert CHANTRENNE a apporté une contribution d’importance fondamentale à la connaissance du rôle des acides ribonucléiques dans la biosynthèse des protéines,

considérant l’originalité de ses travaux, lesquels sont universellement appréciés en contribuent incontestablement à augmenter le prestige scientifique de la Belgique,

décide de conférer le Prix Francqui 1963 à Monsieur Hubert CHANTRENNE, Professeur à l’Université Libre de Bruxelles.

Jury international dans lequel siégeaient :

Le Professeur S. J. Folley
Professeur à l’Université de Reading
                                                                          Président

et

Le Professeur M. P. Bordet
Professeur à l’Université Libre de Bruxelles

Le Professeur J.N. Davidson
Professeur à l’Université de Glasgow

Le Professeur Christian de Duve
Professeur à l’Université Catholique de Louvain

Le Professeur J.D. Verlinde
Professeur à l’Université de Leyde

* * *

Discours de Monsieur M. Solvay, Président de la Fondation Francqui

Sire, Madame,

Le Roi, en acceptant cette année encore, de présider à la remise du Prix Francqui 1963, nous honore infiniment et nous remplit de joie.

La participation de la Reine à Ses côtés comble tous nos voeux, en donnant à cette cérémonie, dont la simplicité voulue n’exclut pas la grandeur, un maximum d’éclat.

Il m’échoit, Madame, le privilège d’être l’interprète de cette assemblée pour prier la Reine d’agréer l’hommage respectueux de notre profonde gratitude.

C’est le Professeur Hubert CHANTRENNE, de l’Université de Bruxelles, qui, sur proposition d’un Jury international, a été proclamé lauréat par notre Conseil, le 22 avril dernier.

Je ne songerai pas à établir ici le palmarès de toutes les distinctions échues au Professeur ChANTRENNNE qui, à 45 ans, a déjà réalisé la carrière la plus féconde; mais il me plaît de souligner que le Fonds National de la Recherche Scientifique a décelé en lui, dès 1944, le talent dont il donnera très rapidement d’éclatants témoignages.

Mr. CHANTRENNE a parcouru tous les échelons de notre institution, en remplissant successivement les fonctions d’apsirant, de chargé de recherches et de chercheur qualifié.  Il abandonna ce derner mandat pour devenir, en 1952, Chargé de Cours à la Faculté des Sciences de l’Université Libre de Bruxelles.  Quatre ans plus tard, il devenait Professeur ordinaire.

Mr. CHANTRENNE a participé à d’innombrables réunions scientifiques à l’étranger.  Il y a été à l’honneur à maintes reprises, en raison notamment de ses découvertes sur le rôle des acides ribonucléiques dans la synthèse des protéines.  Ses contributions expérimentales à ce problème sont importantes et originales; en outre, ses vues théoriques sur la question font autorité.

C’est en reconnaissance de ses éminentes contributions à la science que le Professeur CHANTRENNE est aujourd’hui le lauréat du Prix Francqui.

Avec l’autorisation du Roi, je prierai maintenant Monsieur Jean WILLEMS, Premier Vice-Président des Fondations, de donner lecture du diplôme conférant cette haute distinction à ce savant qui honore notre pays.

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Discours du Professeur Hubert Chantrenne

Un très grand honneur m’est échu : celui de recevoir le prix Francqui des mains du Roi, en présence de la Reine.  Qu’il me soit permis d’exprimer à Leurs Majestés les sentiments de profonde gratitude que j’éprouve à leur égard.

Je vois dans Leur geste bienveillant un nouveau témoignage de l’appui que les Souverains apportent à la recherche scientifique, perpétuant ainsi l’oeuvre de Leurs augustes prédécesseurs.  Car c’est le monde scientifique belge tout entier que Leurs Majestés honorent aujourd’hui en daignant venir dans cette maison qui est le coeur et le symbole de la recherche scientifique en Belgique.

Que Leurs Majestés me permettent d’exprimer ma reconnaissance envers la Fondation Francqui, et de rendre hommage à son fondateur et à ceux qui poursuivent son oeuvre.  Tous les scientifiques belges apprécient hautement l’existence des Chaires Francqui, grâce auxquelles les liens entre nos Universités se sont resserés, et qui apportent aus jeunes de tout le pays l’enseignement des meilleurs maîtres belges et étrangers.  Le prix Francqui a distingué des chercheurs que j’admire et qui fond grand honneur à notre pays.  Je m’étonne vraiment de leur être associé en me voyant décerner à mon tour cette haute distinction.  Je le dois sans doute à la bonne fortune, mais aussi à mes maîtres et à tous ceux qui m’on guidé dans ma vie et dans ma carrière.  J’aimerais, Sire, Madame, leur rendre hommage brièvement et en toute simplicité.

C’est un ami de ma famille qui m’a fait connaître, alors que j’étais encore dans mon village, l’existence même de la recherche scientifique et des problèmes de la biologie.  Cet ami de ma famille, c’est le Proefsseur DALCQ.  Je dois à la générosité et au désintéressement de mon père d’avoir pu faire sans soucis les longues études qui m’attiraient.  Edudiant à l’Université de Bruxelles, j’eus des Professeurs éminents, et pour être juste je devrais les nommer tous.  Mais le petit événement qui décida de ma carrière fut une conférence enthousiaste et enthousiasmante d’un jeune Chargé de Cours de l’Université de Bruxelles, Jean BRACHET.  Ce jour-là, j’avais découvert mon patron.  Depuis, j’ai vécu sous son aile, j’ai été guidé par lui jusqu’ici même; car si j’ai le grand honneur de me trouver aujourd’hui devant Leurs Majestée Le Roi et La Reine, c’est encore à lui que je le dois, puisqu’il est mon parrain auprès de la Fondation Francqui.

Je fus bientôt admis dans le laboratoire où M. BRACHET et son collègue et ami M. JEENER avaient mis en commun un équipement de fortune qui me paraissait alors merveilleux; et l’enthousiasme qui nous entrâinait alors n’a pas faibli, il anime toujours notre groupe.

Lorsque l’Université de Bruxelles ferma ses portes en 1941, je fus accueilli à Liège par le Professeur DESREUX qui diriga mon travail de doctorat en chimie physique.  L’activité scientifique était grande à Liège en dépit de la guerre, et j’eus la chance de rencontrer souvent les Professeurs BACQ, DUBUISSON, FLORKIN, FREDERICQ, et le regretté GRATIA; j’appris beaucoup à leur contact.  Plus tard, j’eus le privilège de travailler sous la direction d’éminents maîtres étrangers : à Copenhague avec LINDERSTROM-LANG, récemment disparu, à l’Université Harvard avec LIPMANN, à Madison avec COHEN.  Mais mon port d’attache restait le laboratoire d’Auderghem où je retourvais mon maître BRACHET et M. JEENER, et bientôt mes amis Maurice ERRERA et THOMAS;  L’excellente et cordiale atmosphère qui règne dans le groupe que nous formons est pour beaucoup dans le succès des travaux de tous, et en particulier des miens.

J’éprouve, Sire, Madame, une profonde reconnaissance envers les organismes qui m’ont fourni les moyens de me consacrer à la recherche fondamentale, et en tout premier lieu envers le Fond National de la Recherche Scientifique qui me fit confiance à mes débuts et qui assura ma subsistance pendant sept ans.  Plus tard, le Fonds National subsidia maintes fois mes travaux.  C’est la Fondation Rockefeller qui me permit de séjourner aux Etats-Unis et qui fournit l’essentiel de l’équipement de mon laboratoire.  Je suis tout particulièrement attaché à ces deux grandes fondations parce qu’elles ont pour principe qu’il importe avant tout que le chercheur soit entièrement libre dans la conduite de ses travaux, car il ne peut donner sa mesure qu’en pleinte liberté.  Elles savent très bien que lui imposer des plans stricts serait illusoires, ou bien stérilisant.

Ma reconnaissance va aussi à l’Institut Interuniversitaire des Sciences Nucléaires; cet organisme me procure depuis dix ans de l’aide technique et des crédits modestes, mais précieux.  Le Centre Interuniversitaire de Recherches Enzymologiques bénérficia pendant quelques années de crédits de l’Etat, et fut un moment la principale ressource de mon laboratoire.  Enfin, l’appui accordé récemment à la Biologie moléculaire sur la recommandation du Conseil National de la Politique Scientifique contribue à nous procurer les moyens de conserver une place honorable dans un domaine d’avant-garde de la recherche internationale.

Je serais injuste si je ne rendais hommage aux Autorités académiques de l’Université de Bruxelles, qui m’ont intégré dans le corps enseignant, m’ont aidé à obtenir des moyens de travail et qui, en collaboration avec l’Euratom, assurent à présent un appui financier substantiel aux recherches du groupe auquel j’appartiens, lui permettant de regarder l’avenir avec optimisme.

Mais l’avenir, c’est avant tout les étudiants auxquels il nous incombe d’enseigner les rudiments de la science, et les jeunes chercheurs qu’il faut à tout prix intégrer dans nos institutions; en ce moment, nous risquons fort de les perdre, car ils sont attirés par l’équipement des grands pays, et par les avantages matériels que ceux-ci offrent aux scientifiques. Je crois qu’en témoignant de leur bienveillance enviers les chercheurs par la cérémonie d’aujourd’hui, Leurs Majestés prodiguent aux jeunes un précieux encouragement.  Elles leur montrent que les plus hautes Autorités du pays les soutiennent et les soutiendront dans leurs efforts.

Que Leurs Majestés en soient tout particulièrement remerciées.

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