1985 – Rapport Jury Amand Lucas
Remise solennelle du Prix Francqui
par Sa Majesté Le Roi Baudouin
à la Fondation Universitaire le 5 juin 1985
Curriculum Vitae – Rapport du Jury – Discours
Amand Lucas
Curriculum Vitae
Né à Liège, le 18 décembre 1936
Diplôme Universitaires :
Licence en Sciences Physiques, Université de l’Etat à Liège, 1960
Agrégation de l’Enseignement Moyen Supérieur, Université de l’Etat à Liège, 1960
Doctorat en Sciences, Université de l’Etat à Liège, 1966
Fonctions :
Professeur ordinaire aux Facultés Univesitaires Notre-Dame de la Paix à Namur
Curriculum vitae :
Assistant, Université de l’Etat à Liège, 1960-1961
Aspirant du Fonds National de la Recherche Scientifique, 1962-1966
Chargé de Recherche du Fonds National de la Recherche Scientifique
Postdoctoral Research Fellow, Battelle Memorial Institute, Columbus, Ohio (USA), 1967-1968
Chercheur qualifié au Fonds National de la Recherche Scientifique, Visiting Scientist, International Center for Theoretical Physics, Trieste, Italie, 1969-1970
Chercheur qualifié du Fonds National de la Recherche Scientifique, Visiting Scientist, European Space Technology Center (Surface Physics Division), Noordwijk, The Netherlands, 1971-1972
Chargé de Cours associé, Université de l’Eat à Liège, 1973
Directeur du Département de Physique, Facultés Universitaire Notre-Dame de la Paix à Namur, 1974-1977
Adjunct Professor of Physics, Graduate School of Science Faculty, Pennsylvania State University, University Park, Pennsylvania, USA, 1975-1980
Titulaire de la Chaire Francqui au titre belge, Université de l’Eat à Mons, 1975
World Trade Visiting Scientist, IMB Research Center, York-towhheights, New York (USA), 1978-1979
Titulaire de 5 « NATO RESEARCH GRANTS », 1972-1973 – 1976-1977 – 1978-1979 – 1979-1982 – 1984-1985.
Fellow of the American Physical Society.
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Rapport du Jury (13 avril 1985)
Considérant l’originalité et la créativité de ses travaux;
considérant sa découverte de nouveaux modes vibrationnels de surface dans les cristaux ioniques, désignés généralement par « modes Lucas »;
considérant son travail de pionnier sur les interactions entre électrons et modes de surface qui ont apporté une contribution déterminante pour la compréhension des processus dynamiques superficiels;
considérant la clarification de l’importance du rôle des plasmons de surface dans l’énergie superficielle des métaux;
considérant sa théorie des forces internes dans les matériaux irradiés et en particulier la formation de bulles de gaz rares dans les matériaux des réacteurs nucléaires et la manière dont ils provoquent la destruction partielle (cloquage) en surface;
décide d’attribuer le Prix Francqui 1985 à Monsieur Amand LUCAS, Professeur aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur.
Jury international dans lequel siégeaient :
Le Professeur Thomas J. WILLMORE
Professeur à la University of Durham
Department of Mathematical Sciences
UK
Président
et
Le Professeur Jacques CHAUVIN
Professeur à l’Université d’Aix-Marseille II
Institut de Mécanique des Fluides
France
Le Professeur Siegfried GROSSMAN
Professeur à la Philipps-Universiteit-Marburg
Fachbereich Physik
Allemagne
Le Professeur John Raymond HOBBS
Professeur au Westminster Hospital
Department of Chemical Immunology
Londres – UK
Le Professeur Jörg HÜFNER
Professeur à la Universität-Heidelberg
Institut für Theoretical Physik
Allemagne
Le Professeur Jean LIMIDO
Directeur de l’Ecole Nationale Supérieure du Pétrole
et des Moteurs, Institut Français du Pétrole
Rueil-Malmaison – France
Le Professeur Stig LUNDQVIST
Professeur à la Chalmers University of Technology
Göteborg – Sweden
Le Professeur J.R. Anthony PEARSON
Professeur émérite du Imperial College of Science and Technology, London
Head of Mathematical Modelling
Department at Schlumberger Cambridge Research
Visiting Professional Fellow, University of Wales
Cambridge – UK
Le Professeur Kurt SCHAFFNER
Professeur, Directeur au Max-Planck-Institut für Strahlenchemie
Mülheim-Ruhr – Allemagne
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Discours du Baron van Outryve d’Ydewalle
Président de la Fondation Francqui
Sire,
Mij valt dit jaar het voorecht te beurt, ter gelegenheid van het toekennen van de Francqui-Prijs, aan Uwe Majesteit de gevoelens aan te bieden die de Leden van het Francqui-Fonds de Koning toedragen.
Ik verheug mij er ten zeerste om. Het zijn inderdaad gevoelens van diepe waardering en hartelijke erkentelijkheid voor de aanwezigheid van de Koning op deze jaarlijkse plechtigheid, voor Zijne bestendige belangstelling voor het wetenschappelijk onderzoek en niet het minst voor de betekenis die de Koning, naar het voorbeeld van Zijn voorgangers maar in een hedendaagse context, weet te geven aan de vooruitgang van de wetenschappen.
Het ontgaat ons niet dat de Koning meer in het bijzonder in 1959 aan « de verbeeldingskracht en het scheppingsvermogen » van onze navorsers een sociale dimensie schonk en dat hij, ter gelegenheid van de oprichting in 1976 van de Koning Boudewijn Stichting bijzonder nadruk legde op het verband tussen Zijne constitutionele verplichtingen en « de verbetering van de levensomstandigheden » die deze Stichting zich tot doel stelt.
Le Prix Francqui 1985 était réservé à un savant qui s’est distingué dans le domaine des sciences mathématiques, physiques et chimiques.
Se ralliant à la proposition du Jury international composé de personnalités particulièrement éminentes, notre Conseil d’Administration a, en sa séance du 16 avril dernier, conféré le Prix Francqui 1985 à M. Amand LUCAS, Professeur aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur.
Né le 28 décembre 1685, le Lauréat a fait ses études à l’Université de l’Etat de Liège.
Docteur en Sciences en 1966, il fut successivement, de 1962 ) 1972, aspirant, chargé de recherches, chercheur qualifié du Fonds National de la Recherche Scientifique.
En 1973, il fut chargé de cours à l’Université de l’Etat de Liège et, en 1974, il fut promu Professeur ordinaire aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur.
Le Jury a été particulièrement impressionné par l’originalité de ses travaux.
Au nom de la Fondation Francqui, j’adresse au Lauréat nos plus vives félicitations et je puis l’assurer qu’il nous est d’autant plus agréable de mettre ses mérites en lumière qu’ils rejaillissent sur une Institution Universitaire dont, pour la première fois, un Professeur obtient le Prix Francqui.
Enfin, je m’en voudrais de ne pas remercier, au nom de la Fondation Francqui, les Membres du Jury et plus particulièrement, son Secrétaire, notre Administrateur-Délégué, M. Pierre de BIE, Professeur émérite de l’Université Catholique de Louvain, pour le dévouement inlassable dont il fait preuve à l’égard de notre Institution.
Moge het de Koning behagen de aanwijzing van Professor LUCAS als Laureaat van de Francqui-Prijs 1985 te willen onderschrijven en hem diensvolgens het diploma van onze Instelling te willen overhandigen.
Qu’il plaise au Roi de consacrer la désignation du Professeur LUCAS comme Lauréat du Prix Francqui 1985 en lui remettant le diplôme de notre Institution.
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Discours du Professeur Amand Lucas
Sire,
Que Sa Majesté veuille bien accepter l’expression de ma profonde gratitude ainsi que celle de mes proches et de mes collaborateurs avec qui je partage aujourd’hui l’honneur, la joie et la fierté d’avoir reçu de Ses Mains cette prestigieuse distinction. La Présence Royale à cette cérémonie témoigne de l’intérêt constant que la Dynastie porte à la recherche scientifique dans ce pays depuis la création même des trois Fondations de cette illuste Maison. La communauté scientifique exprime par ma voix toute sa reconnaissance pour l’encouragement qu’elle ressent grâce à cette Auguste Présence.
Sire, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
C’est avec une émotion rarement éprouvée dans ma vie que j’exprime mes plus vifs remerciements aux membres éminents du Jury du Prix Francqui et au Conseil d’Administration de la Fondation pour m’avoir conféré une distinction aussi magnifique. Depuis que la nouvelle m’est parvenue par la voix de M. l’Administrateur-Délégué de la Fondation, la joie ne m’a pas quitté. Je lis également cette même joie dans les yeux et les attitudes de mes proches, de mes amis, de mes étudiants, de mes collègues aux Facultés de Namur. Je sais qu’elle est partagée par tous ceux et celles qui m’ont aidé à construire ce que, à mon âge, on n’ose encore appeler une carrière.
Comme beaucoup d’hommes et de femmes de sciences en Belgique et comme la plupart de mes prédécesseurs à cette illustre Tribune, j’ai bénéficié à plusieurs titres de l’aide éclairée et répétée des Fondations de la rue d’Egmont. Sur l’excellence de leur rôle dans l’enseignement supérieur et la recherche scientifique en Belgique, tout a été dit. Que leurs représentants ici présents veuillent bien accepter l’hommage que je tiens à rendre à l’oeuvre remarquable qu’elles accomplissent.
Si le goût des choses dites « exactes » remonte chez moi à ma lointaine enfance, mon éveil à la beauté de la science physique et à sa rigueur mathématique, je le dois plus particulièrement à mon professeur de sciences de l’Ecole Normale, le Professeur Henri Jeuniaux que je tiens à remercier. Je remercie aussi mes professeurs de l’Université de Liège qui m’ont guidé au cours de mes études. Je rends un hommage tout particulier au Professeur P. Ledoux, Prix Francqui 1964, pour l’inspiration que m’ont procurée ainsi qu’à de nombreuses générations de physiciens liégeois ses superbers leçons, modèlede rigueur et de profondeur. Je remercie et j’associe à ma joie et fierté tous mes collègues et collaborateurs en Belgique et à l’étranger. Je tiens à mentionner tout spécialement le Professeur J. Fripiat, Prix Francqui 1967, pour l’intérêt qu’il a bien voulu accorder à mes travaux dans le domaine de la Science des Surfaces dont il est un des experts mondiaux. Je pense également au Professeur J-M André, Physico-Chimiste de renommée internationale que j’ai la chance de compter parmi mes collègues les plus estimés aux Facultés. Je suis particulièrement redevable aus Facultés Notre-Dame de la Paix où j’ai trouvé un cadre de travail exceptionnellement favorable. Je rends également hommage aux responsables des Institutions, publiques ou privées, grâce auxquelles, pendant plusieurs années, j’ai pu poursuivre mes travaux de recherche : l’Institut Battelle, le Centre de Physique Théorique de Trieste, l’Agence Spatiale Européenne, la Société IBM, la Division des Affaires Scientifiques de l’OTAN, l’Université d’Etat de Pennsylvanie. Enfin je suis profondément reconnaissant pour le soutien que j’ai toujours reçu des membres de ma famille : mes parents décédés qui, malheureusement, ne pourront connaître la fierté et la joie qui est la mienne aujourd’hui; mes frères aînés qui ont encouragé le cadet de la famille et enfin ma chère épouse et mes enfants qui ont toujours su partager le meilleur et le pire de ma passion pour la recherche scientifique.
L’histoire des cinquante dernières années a abondamment montré que la science de la matière condensée, particulièrement la Physique des Solides, occupe une place d’importance grandissante dans l’éventail des disciplines scientifiques. La raison en est que plusieurs des découvertes fondamentales de cette discipline se sont accompagnées, le plus souvent à courte échéance, de révolutions technologiques marquantes. L’exemple classique et souvent évoqué en est l’invention du transistor dont on peut dire qu’elle fut, au début des années 50, le point de départ du formidable essor de la microélectronique actuelle et de toutes ses conséquences en matière de traitement d’information. Dans les vingt dernières années, la Physique des Surfaces et des Interfaces, déjà présente dans l’explication du fonctionnement du transistor, s’est révélée parmi les orientations de recherche les plus fertiles de la Physique des Solides. Cette science fondamentale se trouve de plus en plus intimement impliquée dans le développement de la microélectronique au fur et à mesure que les dimensions des éléments de microcircuit se réduisent. D’ailleurs, c’est largement grâce aux progrès réalisés par notre compréhension des processus électroniques et atomiques au niveau des surfaces et interfaces solides que les techniques de microfabrication elles-mêmes ont pu se perfectionner. Un exemple actuellement en plein développement est fourni par la synthèse de surperrréseaux semiconducteurs par croissance épitaxique moléculaire. Ces solides hétérogènes, entièrement artificiels et où l’interface est omniprésente, annoncent une nouvelle révolution dans la construction contrôlée, atome par atome, de matériaux fabriqués sur mesure et même de systèmes entiers aux propriétés fonctionnelles prédéterminées.
La plupart de mes travaux de recherche postdoctoraux relèvent de cette Physique des Surfaces, domaine passionnant et toujours en plein essor. En dehors de leur appartenance à cette discipline unique, les quatre citations retenues par le Jury Francqui pourront paraître quelque peu disparates : quelle relation existe-t-il en effet entre les modes vibrationnels de surface, les interactions électron-surface, l’énergie superficielle des métaux et les phénomènes de cavitation et de bullage dans les matériaux irradiés ? Il existe pourtant un fil conducteur unique qui remonte à ma thèse de doctorat et que je voudrais brièvement retracer.
Dans le but d’aider au développement des sciences et techniques des matériaux, les physiciens de l’Etat Solide s’attachent à tester le comportement de la matière condensée soumise à diverses excitations extérieures dans les conditions contrôlées du laboratoire. Les solides ainsi sollicités donnent une réponse dite individuelle ou collective selon qu’une seule paire électro-ion ou un grand nombre de paires électron-ion sont perturbées par l’excitation. On parle des modes individuels ou collectifs d’excitation des solides.
Dans ma thèse de doctorat je m’étais attaché à mettre en évidence le rôle des modes collectifs de volume dans la stabilité cristalline des gaz rares solides. La plupart de mes travaux en Physique des Surfaces s’inspireront ultérieurement d’une démarche intellectuelle et d’une interrogation similaires : quels sont les modes d’excitations collectives du type vibrationnel ou électronique à la surface des solides et quel rôle jouent ces modes collectifs dans diverses propriétés spectroscopiques ou de cohésion des surfaces ?
Je n’abuserai pas de votre patience en détaillant les réponses quelque peu techniques que j’ai pu donner à ces questions dans les divers domaines mentionnés par le Jury Francqui. Permettez-moi seulement de souligner ce qui pour beaucoup dans cette audience apparaîtra comme un truisme, à savoir que l’indépendance et la liberté de pensée d’un jeune chercheur dans son travail doctoral peuvent être capitales pour tout son développement scientifique ultérieur. C’est en effet dans l’effort patient et solitaire de la thèse de doctorat que peut le plus souvent s’ébaucher le programme scientifique de toute une vie de recherche. En ce qui me concerne, c’est sous les auspices du Fonds National de la Recherche Scientifique que j’ai pu accomplir ce long et douloureux accouchement intellectuel de la première pensée scientifique relativement originale. Je remercie à nouveau les responsables d’alors et ceux d’aujourd’hui qui ont la clairvoyange d’aider à la découverte scientifique là où elle a le plus de chance de se produire : chez les jeunes chercheurs.
Si le jeune chercheur a besoin de liberté et de temps pour donner libre cours à son imagination créatrice, il a également besoin de la guidance de ses aînés dans l’apprentissage des acquis récents de la science. Or, sur ce dernier point, la situation dans les universités belges est quelque peu préoccupante. Les professeurs et chercheurs confirmés n’y disposent encore aujourd’hui d’aucune structure légale pour l’enseignement de haut niveau, préparatoire et parallèle au travail de recherche des jeunes doctorants. La vérité, exprimée sommairement, est que les universités belges ont délivré jusqu’ici des diplômes de docteur en science en l’absence de véritables écoles de doctorat. Les efforts louables d’encouragement à l’enseignement de troisième cycle déployés notamment par le Fonds National de la Recherche Scientifique et par la Fondation Francqui, ne suffisent malheureusement pas, selon moi, à combler le vide légal en cette matière : un étudiant doctorant peut, aujourd’hui encore, obtenir son diplôme de docteur en sciences sans avoir l’obligation légale de suivre une seule heure de cours de haut niveau et, par ailleurs, un chercheur confirmé ou un professeur peut dispenser un nombre arbitraire d’heures de cours avancés, dans le cadre d’un des troisièmes cycles FNRS par exemple, sans que cette charge d’enseignement, souvent très exigeante, ne soit légalement reconnue et comptabilisée dans ses prestations professionnelles. Le résultat de cette carence légale est l’alourdissement progressif des programmes de second cycle où tout doit être enseigné en l’absence de troisième cycle légal et l’hyperspécialisation du travail de recherche doctoral entraînant, certes, une compétence surélevée dans un domaine précis, mais, malheureusement aussi, une rigidité à la réorientation éventuelle dans la carrière ultérieure.
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