1994 – Rapport Jury Eric G. Derouane


Remise solennelle du Prix Francqui
par Sa Majesté Le Roi Albert II et la Reine Paoloa
à la Fondation Universitaire le 23 Juin 1994

Curriculum Vitae – Rapport du Jury – Discours


Eric G. Derouane

Curriculum Vitae

Né le 4 Juillet 1944

Diplôme universitaires :

Licencié en Sciences chimiques (B.A. in Chemistry), Université de Liège 1965
M.A. in Chemistry, Princeton University (USA), 1966
Docteur en Sciences, Université de Liège, 1968

Fonctions académiques :

Professeur ordinaire, Faculté Universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur, Directeur du Laboratoire de Catalyse, 1984
Editeur en chef du « Journal of Molecular Catalysis », 1982
Président du groupe de contact « Catalysis » du FNRS, 1984
Secrétaire-trésorier de la « European Association on Catalysis(EUROCAT) »1984
Président du groupe de travail « Modern Catalysis » de la « Royal BACAS » (Belgian Royal Academy Council of Applied Sciences, 1990

Curriculum Vitae :

Research fellow de la American Machine and Foundry Corporation, Princeton University USA, 1965-1966
Research fellow, Centre d’Etudes Nucléaires de Saclay, Atomic Energy Commission, France, 1966-1967
Assistant de recherche, Université de Liège, 1966-1969
Visiting Scholar, Stanford University, USA, 1969-1970
Research fellow, National (Belgian) Scientific Research Foundation, 1969-1973
Lecteur, Université de Liège, 1969-1975
Senior Research Fellow, National (Belgian) Scientific Research Foundation, 1973
Professeur, Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix, Namur, 1973-1976
Professeur ordinaire, Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur, Directeur du Laboratoire de Catalyse, 1976-1982
Research Fellow, Exxon Research & Development Corporation, Central Research Division, Linden, NJ, USA and Visiting Scholar, Princeton University, USA, 1979
Research Scientist, Head, Exploratory Catalyse Synthesis Group, Central Research Laboratory, Princeton,NJ, USA, 1982-1984
Membre correspondant de l’Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique.
Membre associé de la European Academy of Arts, Sciences and Humanities
Membre de la New York Academy of Science
Membre associé de la Royal Belgian Academy Council of Applied Sciences (Royal BACAS).

Divers :

Prix Wauters de la Société Royale de Chimie, 1964
Lauréat du Concours Universitaire, 1965
Mund Prize de la Société Royale de Chimie, 1967
Stas-Spring prize de l’Académie Royale Belge, 1968
Prix annuel de la Société Royale de Chimie, 1971
Rosetta Briegel-Barton Lecturer, Université de l’Oklahoma, 1973
Prix Adolphe Wetrems de l’Académie Royale de Belgique, 1975
Prix du Cercle des Alumni de la Fondation Universitaire, 1980
Ciapetta Lecturer, de la North American Catalysis Society, 1981
Médaille commémorative de la Fondation du Instituto Superior Technico, Lisbonne, Portugal, 1986
Membre correspondant de la Classe des Sciences de l’Académie Royale de Belgique, 1991.

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Rapport du Jury (9 Avril 1994)

Considérant la contribution éminente du Professeur Eric Derouane à la compréhension du mécanisme moléculaire des réactions catalytiques dans les zéolithes, en particulier la proposition de concepts nouveaux tels la sélectivité de forme moléculaire par restriction de l’état de confinement, et reconnaissant que les études fondamentales en ce domaine ont conduit à des progrès technologiques de haute valeur pour le bien de la société;

décide d’attribuer le Prix Francqui 1994 à Monsieur Eric G. Derouane, Professeur ordinaire aus Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur.

Jury international dans lequel siégeaient :

Le Professeur Jerzy HABER
Professeur au « Institute of Catalysis and Surface Chemistry
Krakov – Pologne
                           
                                                             Président

et

Le Professeur Johan ASTRÖM
Professeur au « Lund Institute of Technology »
Lund University
Suède

Le Professeur Pierre BAUER
Directeur de Recherche au CNRS
Directeur du Service d’Aéronomie
Verrière-le-Buisson – France

Le Professeur Peter BAYLEY
Membre du « Senior Scientific Staff » – « Medical Research Council »
National Institute for Medical Research
Londres – UK

Le Professeur Ralph A. BRADSHAW
Professeur à l’Université de Californie
Irvine – USA

Le Professeur Julio E. CELIS
Professeur au « Danish Centre for Human Genome Research »
Aarhus – Danemark

Le Professeur Tord CLAESON
Professeur à la « Chalmers University of Technology »
Göteborg University
Suède

Le Professeur Paul A. KELLY
Professeur à la Faculté de Médecine Necker-Enfants Malades
Directeur de l’INSERM Unité 344 – Endocrinologie Moléculaire
Paris – France

Le Professeur E. PAYNE
Professeur à l’Institut du Colorado
Denver – USA

Le Professeur Mandred RÜHLE
Directeur du « Max-Planck-Institut für Metallforschung »
Professeur à l’Université de Stuttgart
Allemagne

Le Professeur Floris TAKENS
Professeur à l’Unversité de Groningen
Pays-Bas

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Discours du Baron Jacques Groothaert,
Président de la Fondation Francqui

Sire,

Lorsqu’un Jury international composé de personnalités éminentes, comme celui auquel la Fondation Francqui a le privilège de faire appel, rend spontanément hommage à la qualité exeptionnelle du travail scientifique réalisé dans les universités et les centres de recherche belges, c’est là un motif de fierté légitime pour tous ceux qui sont conscients de l’importance décisive de la recherche et de la connaissance dans un monde en constante évolution.

Depuis six décennies, la Fondation Francqui poursuit le tâche que lui a assignée son fondateur : promouvoir le développement du haut enseignement et de la recherche scientifique en Belgique, en rehaussant le prestige de la recherche fondamentale désintéressée, en apportant un encouragement moral et une assistance concrète, en stimulant la collaboration interuniversitaire, par delà toutes les différenciations linguistiques ou philosophiques.

Il n’est pas aisé, pour les hommes et les femmes de science dans notre pays, face à une insuffisance souvent cruelle des moyens mis à leur disposition et à une dispersion souvent incohérente des décisions politiques et des ressources allouées, de maintenir le cap, d’oeuvrer valablement au perfectionnement permanent de l’analyse et de l’investigation, de garder la foi et la volonté indispensable.  Ils le font dans des conditions ingrates.  Ils méritent notes estime admirative.

J’ai cité, en accueillant le Souverain Lors de cérémonies de remise de Prix, les chiffres émanant d’institutions nationales et internationales incontestées, et qui révèlent la faible proportion du produit national brut alloué à la recherche et au développement par la Belgique, en comparaison avec la plupart de nos pays voisins et partenaires.  En les commentant, une étude universitaire s’en inquiétait et écrivait : « La nécessaire adhésion de la population, et des médias, à l’idée d’intensifier l’effort de recherche et de développement dans notre pays, passe par la volonté de dialogue des chercheurs.  Aux pouvoirs publics de démontrer, par des actions d’envergure, claires, cohérentes et concertées, leur détermination à faire du concept de la Recherche, bien public, leur priorité première ».

Ne désespérons pas de voir de tels appels entendus.  Car c’est tout l’avenir d’une société qui est en jeu, lorsque ses meilleurs éléments craignent de ne plus être suffisamment équipés pour donner dout son sens à l’action de l’intelligence créative, cette matière première essentielle du futur.  Il est capital que nos jeunes chercheurs puissent enrichir leurs connaissances dans des centres d’études à l’étranger, car rien n’est plus fécond que l’expérience ainsi acquise.

Encore faut-il qu’il ne soient pas excessivement tentés, faute de perspectives prometteuses dans leur payx, de s’expatrier vers des lieux où leur seront moins chichement mesurées les ressources indispensables.  Des Lauréats du Prix Francqui ont, au cours des dernières années, fait part en termes parfois angoissés, de leur inquiètude.

C’est dans cet esprit que cette année, pour la première fois, le Conseil d’Administration de notre Fondation a décidé que le Lauréat du Prix Francqui disposerait désormais d’un fonds supplémentaire pour ses travaux scientifiques et ceux de son équipe de collaborateurs.

Il lui sera demandé d’organiser dans sa discipline, un colloque international, qui mènera à la publication d’une monographie, dont la distribution internationale contribuera au rayonnement de la science universitaire belge et à sa notoriété.

L’an prochain, la Fondation Francqui apportera son appui à l’organisation, à l’occasion du 75ème anniversaire de la « Belgian American Educational Foundation » avec laquelle elle collabore étroitement, d’une série de colloques réunissant d’éminents savants américains et belges.

Le Conseil d’Administration a écouté récemment, avec grand intérêt, les observations et les suggestions formulées par les anciens Lauréats du Prix Francqui qu’il avait invités à exposer leurs préoccupations.

Sire,

Nous évoquons avec émotion l’attention vigilante que prêtait à nos travaux S.M. le Roi Baudouin, qui nous faisait l’honneur, infiniment apprécié, de remettre personnellement le Prix Francqui au Lauréat, et se montrait sensible aux problèmes que je viens d’évoquer.

Nous savons que le Roi, dont nous saluons avec reconnaissance et respect la présence à la cérémonie de ce jour, y porte un identique intérêt éclairé et volontariste.

Dans quelques instants, il plaira au Souverain de remettre le Prix Francqui 1994 au Professeur Eric Derouane, dont le Jury a couronné les travaux.

Le Professeur Derouane est né en 1944.

Il est Docteur en Sciences Chimiques à l’Université de Liège, Master of Arts in Chemistry de Princeton University.

Il est depuis 1984 Professeur aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur où il est directeur du laboratoire de Catalyse.

Il est membre ou président d’un nombre important de sociétés scientifiques et titulaire de nombreux prix en Belgique et à l’étranger, auteur de nombreuses publications et membre correspondant de la Classe des Sciences de l’Académie Royale de Belgique.

En couronnant ses travaux, le Jury international, présidé par le Professeur Jerzy Haber, de l’Institut de Catalyse et de Chimie à Cracovie, comprenant dix spécialistes venant de sept pays et dont le secrétariat était assumé par le Professeur Eyckmans, Administrateur-Délégué de la Fondation, a considéré:
« la contribution éminente du Professeur Eric Derouane à la compréhension du mécanisme moléculaire des réactions catalytiques dans les zéolithes, en particulier la proposition de concepts nouveaux tels la sélectivité de forme moléculaire par restriction de l’état de transition, le contrôle du trafic moléculaire, et l’effet de confinement, et reconnaissant que les études fondamentales en ce domaine ont conduit à des progrès technologiques de haute valeur pour le bien de la société ».

Qu’il plaise au Roi de consacrer la désignation du Professeur Eric Derouane comme Lauréat du Prix Francqui 1994 en lui remettant le diplôme de notre Institution.

* * *

Discours du Professeur Eric Derouane

Sire,
Madame,

Vos présences à cette cérémonie éveillent en moi une profonde gratitude qui s’associe à la joie et l’émotion que je ressens dans ces locaux illustre de la Fondation Universitaire où règnent l’empreinte et l’oeuvre du Roi Albert Ier et don son Ministre éclairé, Emile Francqui, mécène et serviteur de la Science.  Les mots ne peuvent exprimer toute ma reconnaissance pour l’honneur que Vous me faites en me remettant cette distinction prestigieuse qu’est le Prix Francqui, récompense décernée par un jury d’éminentes personnalités, qui encourage et honore toute la science belge.  Vos présences à cette séance solennelle élèvent non seulement cette distinction au plus haut niveau mais elles rappellent également l’intérêt que la Dynastie n’a jamais cessé de porter aux Sciences et à la recherche scientifique, au service de notre pays et de l’humanité.  Je citerai les paroles admirables du Roi Albert Ier dans son magnifique discours du 1er Octobre 1927 : « …. La Science pure est la condition indispensable de la Science appliquée…. et le sort des nations qui négligeront la Science et les savants est marqué pour la décadence…. De nos jours, qui n’avance pas, recule. »  Au-delà de ma personne, la communauté scientifique belge tout entière Vous remercie pour l’encouragement et la sollicitude dont témoignent vos Augustes Présences.

Sire,
Madame,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Albert Camus écrivait à son maître le 19 Novembre 1957 : « On vient de me faire un bien trop grand honneur, que je n’ai ni recherché ni sollicité….. Je ne me fais pas un monde de cette sorte d’honneur.  Mais celui-là est du moins une occasion pour vous dire ce que vous avez été, et êtes toujours pour moi, et pour vous assurer que vos efforts, votre travail et le coeur généreux que vous y mettiez sont toujours vivants… »

Aujourd’hui, mon émotion et une certaine fierté sont partagées avec mes maîtres et mes proches.

Avec Louis D’Or, Professeur à l’Université de Liège et membre de l’Académie Royale de Belgique.  Un pédagogue remarquable et un maître à la chaleur humaine et à la noblesse de sentiments incomparables, dont l’esprit vif allié à une critique convaincante et sensible ont orienté mes premiers pas dans ce monde de la catalyse qui le fascinait.  Il avait fait siennes et me les a transmises, ces paroles d’Alwin Mittash :  « La chimie sans catalyse serait comme une épée sans poignée, une lumière sans clarté, une cloche sans son. »

Avec Michel Boudart, Professeur à l’Université de Stanford et membre associé de l’Académie Royale de Belgique, un maître et un chercheur dont l’écoute attentive, la sagesse des remarques, et la finesse de l’observation m’ont profondément marqués.  Je retrouve dans une phrase d’Alfred de Vigny une partie du message qu’il m’a transmis : « Qu’est-ce qu’une grande vie ? C’est un rêve de jeunesse réalisé dans l’âge mûr ».  De lui, j’ai reçu le goût du rêve et l’audace, l’enthousiasme et la presévérance, sans lesquels la créativité et l’innovation ne peuvent naître et s’exprimer.

Avec trois confrères de l’Académie Royale de Belgique, également Lauréats du Prix Francqui.  Le Professeur José Fripiat, alors à l’Université Catholique de Louvain, a orienté ma carrière académique par sa confiance et son intérêt pour mes travaux, d’une part en m’encourageant à accepter une charge académique aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur et d’autre part en m’initiant à la science des zéolithes, à laquelle uen partie de mes contributions est reconnue aujourd’hui par la distinction que je reçois.  Les Professeurs Jean-Marie André et Amand Lucas partagent directement la joie d’aujourd’hui, comme amis mais aussi comme précieux collègues aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur.  Notre collaboration fut toujours le ferment d’idées et de réalisations dont les recherches communes ou respectives de chacun d’entre nous se sont enrichies.

Un rêve de jeunesse, une reconnaissance scientifique, ne peuvent se réaliser sans soutien, moral et matériel, sans un mileu généreux où peuvent s’exprimer librement l’institution, la vocation et parfois l’égoïsme du chercheur.

Ce support, je l’ai rencontré :

chez mes parents.  Mon père m’a donné le goût des sciences, de la chimie en particulier.  Ma m’a soutenu dans mes souhaits et ambitions de jeune chercheur qui, déjà, souhaitait errer au-delà des océans !

chez mes proches.  Ils ont partagé mes joies et mes émotions, mes déceptions et mes peines.  Je remercie tendrement Claudine et Daphné pour leur discrétion, leur abnégation et leur volonté.  Ce jour est auusi le leur.

aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix et chez les quatre Recteurs qui ont vécu et suivi ma carrière scientifique.  Jeune chercheur, j’ai délaissé une carrière au Fonds National de la Recherche Scientifique pour accepter une chaire d’enseignement universitaire et la responsabilité d’un laboratoire de recherches dans un environnement qui m’a toujours réservé son soutien et sa reconnaissance, dont la fierté est illustrée aujourd’hui par trois Prix Francqui.  J’y ai bénéficié de l’attention, du dévouement et de l’expérience de précieux collègues et collaborateurs.  Aux paroles de Branly, inventeur de la radiotransmission, qui disait modestement : « … et moi, je travaille dans un modeste laboratoire, à peine digne d’un collège de province…. », j’ajouterais cette parole de Brachet : « … pour faire de la belle et bonne science,…. il faut, avant tout, des hommes. »  Merci, Père Jacques Denis pour la confiance que vous m’avez accordée, il y a maintenant vingt-et-un ans.

C’est à vous tous, maîtres, proches et amis, autant qu’à moi, que s’adressent l’intérêt et la sollicitude de Vos Majestés et le prestige lié au Prix Francqui.

Sire,
Madame,
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,

Le Prix Francqui m’est décerné pour ma contribution à la compréhension du mécanisme moléculaire des phénomènes catalytiques dans les zéolithes et, en particulier, la proposition de nouveaux concepts décrivant leurs proriétés remarquables qui les identifient à des enzymes solides.  Il m’est aussi accordé pour l’application de ces concepts fondamentaux.

Un bourgeois de notre pays écrivait au XIV siècle : « Il ne faut plus étudier hors pour honneur acquérir, car c’est métier pour mendier et pour honteusement mourir. »  J’ai repris cette citation dans « L’Appel du Roi », édité par Quaeris en 1928.  J’y opposerai les paroles d’Albert Einstein : « Le souci de l’Homme et de sa destinée doit toujours être la motivation de la Science: ne l’oubliez jamais dans vos diagrammes et vos équations », des paroles qui illustrent cette communauté de pensée qui existait avec celle du Roi Albert Ier dont j’ai cité les mots tout à l’heure.

Mes travaux relatifs aux zéolithes s’inscrivent dans le vaste domaine interdisciplinaire de la catalyse, beaucoup plus complexe que ne le laisse entendre le Dictionnaire Larousse où « catalyser » signifie simplement « favoriser ou provoquer une réaction par sa seule présence ».  La catalyse chimique, centenaire, doit son origine à Paul Sabatier qui, à l’Université de Toulouse, hydrogénait des molécules organiques en présence de poudres métalliques.  Deux illustrations parlantes de l’impact de la catalyse dans notre société sont, d’une part, l’alkylation catalytique des essences qui permit la victoire de la R.A.F. lors de la bataille d’Angleterre, entre le 10 juillet et le 31 octobre 1940, en donnant aux forces alliées un carburant aux performances exceptionnelles et, d’autre part, ses multiples applications dans les biotechnologies, notamment pour la production stéréosélective de médicaments.

Aujourd’hui, en plus de son impact reconnu dans l’industrie chimique et la chimie du pétrole et des ses dérivés, la catalyse joue un rôle essentiel, mais souvent caché, dans la vie quotidienne, notamment dans les secteurs de l’environnement, de l’alimentation, des matériaux et de la santé.  Un rapport récent du « Royal Belgian Academy Council for Applied Sciences », placé sous le patronage de Votre Majesté, attire l’attention sur le rôle moteur de la catalyse dans l’industrie chimique, dans le sens le plus large.  Elle est une des sciences qui permettront à l’industrie chimique belge de répondre progressivement aux contraintes qui seront imposées par le grand marché paneuropéen et aidera à son repositionnement dans le nouvel ensemble.

Les zéolithes, comme l’indique l’origine grecque de leur nom, sont des « pierres qui entrent en ébullition » lorsqu’on les chauffe, c’est-à-dire lorsqu’on élimine de leur espace intracristallin les molécules qui y sont contenues.  Le volume ainsi libéré dans leur structure ajourée, leur confère des propriétés uniques en catalyse hétérogène, qui dépendent d’un mode d’action ressemblant étonnament, comme nous l’avons proposé, à celui des enzymes.  Elles peuvent effectuer un tri des molécules, des réactifs ou produits, sur la base de leur taille ou de leur conformation; elles peuvent favoriser certaines étapes élémentaires lors d’une réaction chimique, concentrer certains réactifs en leur sein, et contrôler le trafic moléculaire dans leurs pores.  La compréhension de ces phénomènes, par une recherche méthodologique et sa réflexion critique, m’a conduit à proposer et à démontrer divers nouveaux concepts.

La « sélectivité moléculaire au niveau de l’état de transition », ce dernier est un intermédiaire obligé dans toute réaction chimique, résulte de l’inhibition de certaines étapes élémentaires par suite de contraintes stériques provenant de l’environnement immédiat des sites actifs.  Elle trouve son application dans la suppression de réactions indésirables, augmentant ainsi la sélectivité et la productivité de nombreux procédés.

L’effet de « nidation » résulte principalement de l’interaction d’un substrat avec son récepteur.  Cette relation est aussi à la base de la conception et du développement de nombreux nouveaux médicaments.  La « nidation » qui reflète l’adéquation des géométries des molécules et de l’environnement du site catalytique intracristallin, joue un rôle essentiel en catalyse par les zéolithes.  Elle concentre les réactifs autour du site actif et les organise pour atteindre, plus aisément, l’état de transition que nous avons mentionné précédemment.  Cet effet explique l’activité et la sélectivité catalytique remarquables des zéolithes dans le craquage du pétrole, qui conduisent à des carburants plus performants et plus respectueux de notre environnement.

Le « contrôle du trafic moléculaire » explique le comportement de zéolithes qui offrent des chemins distincts d’accès aux sites actifs, lorsqu’interviennet dans leur volume intracistallin des réactifs soumis à des contraintes différentes.  Ainsi, les petites molécules ne peuvent rencontrer les molécules plus volumineuses que dans certaines conditions et la disparition des contraintes diffusionnelles conduit à des activités et sélectivités élevées.  Ce principe est appliqué aujourd’hui dans plusieurs réactions de la pétrochimie.

L' »effet de confinement » s’inscrit dans la ligne de pensée de Jean-Marie Lehn, Prix Nobel de Chimie et Professeur à l’Université de Strasbourg et au Collège de France.  Mes recherches sur le confinement en série zéolithique sont aussi le fruit de nombreuses discussions, intenses et fructueuses, avec mes confrères et collègues André et Lucas, ici présents, et je soulignerai, avec la plus grande joie et toute ma reconnaissance, l’existence  d’une publication sur ce sujet réunissant les noms des trois Prix Francqui namurois.  Le confinement résulte des interactions structurelles et énergétiques non covalentes entre les molécules absorbées et leur environnement zéolithique, qui conduisent à la considération des zéolithes comme enzymes solides, c’est-à-dire des systèmes où l’interaction supramoléculaire entre composants individuels harmonise leur géométrie et leur conformation, détermine l’évolution chimique quantitative et qualitative des espèces mises en présence, et modifie la dynamique des molécules dans l’environnement intracristallin.  Les premières applications de cet effet voient actuellement le jour, notamment dans des procédés visant la diminution du taux de benzène dont les propriétés cancérigènes sont démontrées, dans les carburants automobiles.

Sire,
Madame,

Le Roi Albert Ier l’a dit : « Le public ne comprend pas assez, chez nous, que la Science pure est la condition indispensable de la Science Appliquée…. » J’y ajouterai ces paroles du Cardinal Mercier, le 27 janvier 1921 : « …. Belges, honorez les travailleurs de la pensée, les écrivains, les artistes… Nous avons trop, au-dehors, la réputation d’être un petit pays, aux idées mesquines, aux horizons étroits…. »  L’homme de Science pense, écrit et est un artiste.  Il révèle à l’industrie les secrets qui seront à l’origine de nouveaux produits, affirmant le pays hors de ses frontières.  Mais le savant établit aussi à l’étranger le prestige de sa patrie par les hommes de valeur formés au pays, envoyés sur tous les points du globe pour affirmer la formation intellectuelle qu’ils ont reçue.  Puisse la recherche désintéressée rester un centre de rayonnement auquel la civilisation d’un peuple puise sa force et son originalité et être aussi la valeur de notre nation par son caractère d’intellectualité.  Sire, Votre présence et Votre écoute attentive sont un hommage à la recherche scientifique et le garant de Votre volonté de préserver sa richesse.

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