2011 – Rapport Jury Pierre Vanderhaeghen


R
emise solennelle du Prix Francqui
par Son Altesse Royale Le Prince Philippe
au Palais des Académies le 8 juin 2011

Son parcours – Ses travaux – Rapport du Jury – Photos


Pierre Vanderhaeghen

Son parcours

Pierre Vanderhaeghen est né à Bruxelles le 30 août 1967. Après un parcours scolaire à l’Athenée Robert Catteau à Bruxelles, il entreprend des études de Médecine à l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Dès le début de ses études, il est enthousiasmé par les sciences du vivant, et réalise plusieurs séjours dans des laboratoires belges et étrangers en tant qu’étudiant-chercheur. A l’issue de ses études, il entame une thèse de Doctorat à l’ULB en tant qu’Aspirant du FNRS, sous la direction des Professeurs Vassart et Parmentier à l’IRIBHM. Il y travaillera pendant 5 ans, en se consacrant à l’étude de récepteurs olfactifs exprimés de manière intrigante dans les spermatozoides. Il défend sa thèse en 1996, ayant acquis une solide formation en biologie moléculaire, et surtout le goût du risque et de la découverte.

Il décide alors de changer complètement de domaine de recherches pour se consacrer à un sujet qui le fascine depuis longtemps: le développement du cerveau. Il rejoint ainsi le groupe du Professeur John Flanagan à l’Université de Harvard, en tant que boursier de la Belgian American Educational Foundation et de la Fondation Francqui. Combinant des techniques de génétique et d’embryologie chez la souris, Pierre Vanderhaeghen et ses collaborateurs de Harvard démontrent ainsi le rôle crucial d’une nouvelle famille de facteurs de signalisation, les ephrines, au cours du développement des connexions neuronales chez les mamifères.

Il revient ensuite en Belgique au sein de l’IRIBHM, où il monte son laboratoire et est nommé Chercheur Qualifié du FNRS en 2001. Grâce au soutien du FNRS, de la Fondation Médicale Reine Elizabeth et des Pôles d’Attraction Interuniversitaires (IUAP), il s’entoure d’un petit groupe de jeunes collaborateurs talentueux, et développe des recherches centrées sur le cortex cérébral, structure essentielle de notre cerveau, mais qui restait largement terra incognita quant aux mécanismes de son développement.

Ils découvrent ainsi plusieurs mécanismes importants du développement cérébral mettant en jeu les ephrines, depuis la croissance des cellules-souches du cortex jusqu’à la mise en place des circuits neuronaux permettant la perception sensorielle. En parallèle, Pierre Vanderhaeghen et son équipe commencent à s’intéresser à un autre aspect fascinant du cortex cérébral: son évolution. Se développe ainsi un programme de recherches centré sur le développement cérébral humain, avec l’aide des équipes cliniques de l’Hôpital Erasme, notamment grâce au Fonds Erasme. Cette approche permet l’identification d’une première série de gènes potentiellement impliqués dans l’évolution du cerveau humain, grâce à une collaboration fructueuse avec les bioinformaticiens David Haussler et Katherine Pollard de l’Université de Californie.

Plus récemment, son équipe développe un modèle totalement original de développement du cortex à partir de cellules souches embryonnaires de souris. Cette première mondiale constitue un pas très important pour la compréhension de mécanismes du développement cérébral, et ouvre de multiples perspectives pour le développement de nouveaux traitements de ses maladies.

Depuis lors il poursuit sur la lancée de ces découvertes, et enrichit son équipe de chercheurs venant des quatre coins de Belgique et d’Europe, avec notamment le soutien de la Région wallonne et de l’Union européenne. Il est élu Membre de l’Académie Royale de Médecine et de l’organisation européenne de biologie moléculaire EMBO en 2009.  Il est le père comblé de deux filles, Julie et Marion. Il est par ailleurs passionné de musique, et chante à l’occasion dans un groupe de rock bruxellois, les FCBs.
 

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 Ses travaux
 

Le cortex cérébral est l’une des structures les plus fascinantes de notre cerveau: c’est lui qui contrôle nos mouvements, nos perceptions, et nos fonctions cognitives supérieures comme le langage articulé ou la pensée abstraite. Il est aussi la cible de nombreuses maladies neurologiques (accidents vasculaires, maladies dégénératives, retards mentaux et troubles neuropsychiatriques, épilepsies), dont les causes restent souvent mystérieuses et dont la plupart  restent incurables aujourd’hui.

D’autre part le cortex cérébral se caractérise par le fait qu’il a subi une évolution très marquée parmi les mammifères, et singulièrement chez l’homme. Les facultés cérébrales propres a l’homme « pensant » (homo sapiens) trouvent ainsi en grande partie leur origine dans certaines particularités du développement cortical humain, mais les mécanismes sous-jacents restent inconnus.

C’est dans ce contexte que se situent les recherches de Pierre Vanderhaeghen, qui s’intéresse aux programmes génétiques contrôlant le développement et l’évolution du cortex cérébral, des cellules souches aux circuits neuronaux, de la souris à l’homme.

En combinant des techniques de génétique et d’embryologie chez la souris, le groupe de Pierre Vanderhaeghen a pu identifier une série de gènes cruciaux pour le developpement du cortex cérébral, notamment les ephrines qui contrôlent des aspects essentiels de la corticogenèse, comme la mise en place des connexions thalamocorticales, le principal réseau de relais vers le cortex, ainsi que des mécanismes originaux de contrôle de la taille cérébrale via la régulation de la survie des progéniteurs neuraux.

D’autre part, grâce à une série d’études pionnières centrées sur le dévelopement cérébral humain, Pierre Vanderhaeghen et ses collaborateurs ont identifié des gènes dont la structure et l’expression sont spécifiques à l’homme au cours de son développement, révélant ainsi des liens génétiques entre le développement et l’évolution du cerveau humain.

Les gènes et mécanismes ainsi identifiés chez la souris et chez l’homme contribuent de façon significative à notre compréhension des mécanismes innés du développement des fonctions cérébrales supérieures, et à leur évolution dans notre espèce.

Si la complexité du cortex lui confère sa puissance fonctionnelle, elle rend aussi son étude particulièrement difficile. Face à ce constat, Pierre Vanderhaeghen et son équipe ont tenté de générer des « modèles réduits » du cerveau, s’appuyant sur les technologies émergentes des cellules souches embryonnaires pluripotentes (cellules ES). Son équipe est ainsi la première à transformer des cellules ES de souris en cellules nerveuses (neurones) du cortex, selon un mécanisme étonnamment simple qui récapitule une grande partie de la complexité corticale. Ces neurones, bien que générés entièrement en dehors du cerveau, sont fonctionnels et lorsqu’ils sont greffés dans le cortex de souris, s’intègrent dans le cerveau hôte comme du cortex cérébral natif. Cette découverte fondamentale, qui relie de manière originale les technologies des cellules souches aux aspects les plus complexes du developpement cérébral, recèle un potentiel important pour la médecine de demain. En effet, la génération de cortex à partir de cellules souches pluripotentes offre pour la première fois l’accès à une source illimitée et fiable de cellules nerveuses du cortex, pouvant être utilisées pour modéliser  ses maladies, et ainsi en étudier les mécanismes sous-jacents. A beaucoup plus long terme, ces découvertes ouvrent aussi de nouvelles perspectives pour la mise au point rationnelle de thérapies de réparation du cortex cérébral endommagé ou en dégénérescence.  

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Rapport du Jury (9 mai 2011)

The 2011 Francqui Price in Biological and Medical Sciences is awarded to Pierre  Vanderhaeghen for his seminal contributions to our understanding of the formation of the mammalian brain. In the brain of humans and of other mammalian species, each neuron has to find its own specific place, and connect to other neurons in order to be able to perform their complex functions. The work of Pierre Vanderhaeghen is beginning to uncover how specific molecular signals orchestrate this development.

Through elegant experiments, Pierre Vanderhaeghen discovered that neurons use ephrin signals to guide the making of connections during embryogenesis.  This work has important implications for our understanding of how the mammalian brain is formed, and in particular how specific nerve cells move to their appropriate position in the brain. The same pathway controls the number of neurons in the cortex, and thereby influences the size of the brain.

More recently, Pierre Vanderhaeghen performed groundbreaking work in which he demonstrated how mouse embryonic stem cells can be induced to differentiate into cells that resemble functional neurons. These engineered cells develop the appropriate patterns of axonal projections when grafted into the cerebral cortex, with promise for the use of such cells for the correction of neurodegenerative diseases.

Collectively, the experiments of Pierre Vanderhaeghen provide insight into brain development and offer hope for the future development of therapies for diseases of the human brain.

Jury international dans lequel siégeaient :

Professor Sir R. Timothy Hunt FRS
(Cell Cycle Control Laboratory – London Research Institute – Clare Hall Laboratories – United Kingdom) Dr Tim Hunt recently retired from running a laboratory at Cancer Research UK, but continues to have an office at the London Research Institute. Dr Hunt won the Nobel Prize in Physiology or Medicine in 2001, together with Lee Hartwell and Paul Nurse, for « Their discoveries of key regulators of the cell cycle ». Dr Hunt continues to study the control of cell cycle transitions. He is a Fellow of the Royal Society, a Member of EMBO, a Foreign Associate of the US National Academy of Sciences and a member of the Scientific Council of the European Research Council.

                                                                                         Président

et

Professor Han G. Brunner
(University Medical Center St Radboud – Department of Human Genetics Nijmegen Nederland)  Han Brunner is full professor and head of the department of Human Genetics at University Medical Center St Radboud in Nijmegen. He has initiated and conducted several research projects that use patient observations as the starting point for human molecular genetic investigations into such topics as human behaviour, skeletal development, brain development, neuromuscular disease, congenital malformations, and gonadal development and function.

Professor Richard Flavell PhD, FRS
(Chairman and Sterling Professor of Immunobiology at Yale University School of Medicine and Investigator of Howard Hughes Medical Institute, New Haven – USA ). He is well-known for his early research on Mammalian gene structure and epigenetics and more recent studies on innate and adaptive immunity .  He is a member of EMBO, the National Academy of Sciences of the United States and a Fellow of the Royal Society of London.

Professor Anne O’Garra
(The MRC National Institute for Medical Research – Division of Immunoregulation London – United Kingdom) obtained her Ph.D. at the MRC National Institute for Medical Research (NIMR), Mill Hill, London. At the DNAX Research Institute, California, USA (1987 – 2001), she defined key functions and mechanisms for cytokine expression and function in the immune response. She returned to the UK in 2001 and then formed the new Division of Immunoregulation at the NIMR, to interface the divisions of immunology and infectious diseases. She and her group are continuing research on immunoregulation and role and function of cytokines in the immune response, but now also with major emphasis on the immune response in tuberculosis in mouse models and in human disease. Anne O’Garra was elected as a Fellow of the Academy of Medical Sciences, UK. in 2005; as a Fellow of the American Association for the Advancement of Science, 2006; as a Fellow of the Royal Society, UK in 2008; and elected to EMBO membership, 2009. O’Garra has given numerous named lectureships at major academic institutions and conferences in the UK, the US and abroad. She serves as an Editor of the Journal of Experimental Medicine.

Professor Peter W H Holland FRS
(University of Oxford – Department of Zoology – United Kingdom) holds the Linacre Professorship of Zoology at the University of Oxford, UK. After a degree in zoology from Oxford, and a PhD in developmental genetics from London, he has held academic appointments at the Universities of Reading and Oxford. Peter Holland’s scientific research on the evolution of genes and genomes has been recognized by award of the Genetics Society Medal, the de Snoo Medal, the Zoological Society Scientific Medal and the Kowalevsly Medal, and election to Fellowship of the Royal Society.

Professor Jonathan C. Howard MA, DPhil. FRS
(University of Cologne – Institute for Genetics Germany) Graduated in Zoology at the University of Oxford in  1964 and spent the following year working on ecological genetics at  the laboratory founded by JBS Haldane in Orissa, India. In 1969 he obtained a D.Phil. on cellular immunology in Oxford under ProfessorJ.L.Gowans. After post-doctoral work at the University of PennsylvaniaSchool of Medicine Howard joined the Immunology Department of theInstitute of Animal Physiology in Cambridge where he worked on the immunogenetics of antigen processing and presentation. In 1994 Howard became a Professor at the Institute for Genetics in Cologne, Germany, where he studies mechanistic and evolutionary aspects of host-pathogen interactions. Professor Howard was elected a member of EMBO in 1993 and Fellow of the Royal Society in 1995.

Professor Emeritus Sir Ravinder Maini FRS FMedSci FRCP
(The Kennedy Institute of Rheumatology, Imperial College London – LondonUnited Kingdom) In his career, Sir Ravinder Maini, a clinician, has combined clinical and laboratory-based immunological research. Lately he was Scientific Director of The Kennedy Institute of Rheumatology (and is currently Emeritus Professor) at Imperial College, London. His research is focussed on mechanisms of autoimmunity and immunotherapy. For his research he has beenawarded  honorary doctorates by the Universities of Glasgow and Paris, the Crafoord Prize by The Royal Swedish Academy of Sciences and The Lasker prize for Clinical Research. Sir Ravinder is Fellow of The Royal Society, Fellow of the Academy of Science (UK) and Foreign Associate of the US Academy of Sciences

Professor Anthony W Segal MBChB, MD, DSc, PhD, F Med Sci, FRS
(Charles Dent Professor of Medicine, Director, Centre for Molecular Medicine, UCL,LondonUnited Kingdom) Born South Africa, Medical training at the University of Cape Town. Charles Dent Professor of Medicine at University College London (UCL) since 1986.  Physician and scientist – expertise in infection and inflammation with particular expertise in neutrophil biology and the causes of inflammatory bowel disease (Crohn’s disease and ulcerative colitis). Fellow of the Royal Society 1998.

                                                                                               Membres

de gauche à droite : Prof. Richard A Flavell, Prof. Peter W H Holland, Prof. Sir Ravinder Maini, Prof. Sir Tim Hunt, Prof. Anne O’Garra, Prof. Anthony W Segal, Prof. Jonathan C. Howard, Prof. Han Brunner,
Prof. Pierre Van Moerbeke
 

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 Discours du Professeur dr. Mark EYSKENS,
Président de la Fondation Francqui

Monseigneur, Excellenties, Excellences, zeer geachte Dames en Heren, Mes Dames, Messieurs

De herhaalde aanwezigheid van Uw Koninklijke Hoogheid is voor de Francqui- Stichting en de wetenschappelijke en universitaire gemeenschap van ons land een uitzonderlijk getuigenis van erkenning en waardering, waarvoor wij U zeer dankbaar zijn. Uw bereidwilligheid de Francqui-Prijs te willen uitreiken bevestigt andermaal Uw persoonlijke belangstelling voor en de betrokkenheid van het koningshuis bij de zich uitbreidende activiteiten van de Francqui-Stichting. En ces temps d’incertitude, Monseigneur, votre présence constitue un encouragement pour tous ceux qui en ce pays se consacrent à la recherche scientifique ou portent des responsabilités  pour la communauté scientifique et universitaire. Het is zo, Monseigneur, dat de huidige samenleving zich nog steeds onvoldoende bewust is van het levensbelang van wetenschappelijk onderzoek voor de toekomst van de maatschappij. Het is op het vlak van onderzoek en ontwikkeling dat de kwaliteiten van creativiteit en volharding het sterkst worden aangesproken en het zijn juist deze eigenschappen die de toekomst van de volgende generaties moeten waarborgen en veilig stellen in een razend snel veranderende wereld.

Les inventions  et les innovations changent le monde radicalement et cela depuis la découverte du feu il y a 500. 000 ans. Je persiste à croire que ce sont les nouvelles technologies, conséquence de la recherche scientifique, qui finalement déterminent l’avenir de l’humanité et orientent son histoire. Il est évident que les découvertes et leurs applications confrontent les sociétés à un défi fondamental : « comment transformer en véritable progrès humain les apports de la science et de ses applications. Il s’agit là d’une question hautement éthique à laquelle on ne peut échapper. Une éthique du changement est dès lors requise davantage qu’un changement de l’éthique. Le déferlement de mutations technologiques et sociétales contraint l’homme à s’adapter à une nouvelle donne existentielle. Certaines personnes, angoissées par le changement tous azimuts, prennent prétexte des bouleversements, qu’engendrent les acquis  scientifiques, pour répandre une mentalité d’opposition et de résistance irrationnelle à certaines innovations. Comme ce fut le cas récemment quand des manifestants ont détruit des champs expérimentaux de pommes de terre destinés à tester la culture d’organismes génétiquement modifiés. Ce comportement rappelle les agissements de nombreux ouvriers du textile, qui à la fin du 19° siècle, craignirent que la mécanisation des métiers à tisser –  du type Jacquard – allait leur enlever leurs emplois. Dans un  geste d’auto-défense ils n’hésitèrent pas à jeter leurs sabots dans les machines, dans le but de les casser à fin de retarder la modernisation des usines du textile. C’est ainsi que le mot « sabotage » fut lancé.

De verbijsterende nieuwe technologieën van de kennis en de informatiemaatschappij dringen door in alle wetenschappen, die zelf steeds meer inhoudelijk multi- en interdisciplinair worden. De biologische en medische wetenschappen, het uitroeien of beter beheersbaar maken van een aantal vreselijke ziekten zoals kanker en vaataandoeningen, doorbraken inzake de werking van de menselijke hersenen en de cognitieve wetenschappen, het ontwikkelen van artificiële intelligentie, de robotica, informatietechnologiën gebaseerd op de toepassingen van de kwantumfysica, de nanotechnologie, de ontwikkeling van slimme producten, (met behulp van bacteriën die b.v. de wegen herstellen) de nodige revoluties inzake hernieuwbare energieproductie, is niet eens een uitputtende lijst van de grote mutaties die zich aankondigen. En het is verwonderlijk hoe weinig verwonderden er nog zijn in een maatschappij van dagelijkse wonderen die uiteraard niet allemaal mirakels kunnen zijn. Continu wordt thans een nieuwe wereld geboren, intercontinentaal, die een geweldige impact heeft op de hele mensheid ook als die over 30 jaar 9 miljard leden zal tellen. De wereld wordt steeds meer één op wetenschappelijk, technologisch, economisch, financieel en cultureel vlak dankzij noodzakelijke interculturalisatie. De wereld is ons dorp geworden en dat is even wennen. Graag noem ik het werelddorp globalistan, omdat de landen waarvan de naam eindigt op “stan” ook vaak staten zijn met grote opgaven en problemen. En er is ook heel wat verdriet in het werelddorp: armoede, ziekte,ongelijkheid, geweld. Enorme uitdagingen maar ook  fantastische opportuniteiten die zich wereldwijd aanbieden, moeten worden beheerd en gestuurd. En daar stuiten wij op de grote paradox van vandaag: de wereld wordt globaal maar het bestuur blijft lokaal of althans te lokaal, ondanks alle talrijke internationale bijeenkomsten en afspraken. De onrustwekkende crisis die zich afspeelt in de schoot van de Europese monetaire unie illustreert de gevolgen van deze inefficiënte asymmetrie tussen globale economie en te lokale, zeg maar te nationale politiek. Staten zonder munt kunnen bestaan. Luxemburg heeft decennialang gebruik gemaakt van de Belgische frank. Maar munten zonder staat komen nergens voor in de hele wereldgeschiedenis. Na de oorlog werd geëxperimenteerd met de speciale trekkingsrechten, gecreëerd te Bretton Woods  in 1945. Maar de SDR special drawing rights werden wel een rekeneenheid en een kredietmiddel maar nooit een volwaardige munt bij gebrek aan statelijke infrastructuur. Het is dus evident dat in ons dierbare Europa een Europese munt geen definitief verworvenheid is zolang wat men “economic governance” noemt, niet wordt geschraagd door “political governance”. Toch hebben de Europese overheden in deze moeilijke tijden een aantal verreikende en positieve beslissingen getroffen, waarvan trouwens sommigen een wijziging vereisen van het verdrag van Lissabon, met name wat betreft de oprichting van een Europees stabiliteits mechanisme (ESM). Ook inzake de begroting van de lidstaten heeft een enorme impliciete overdracht van soevereiniteitsbevoegdheden plaats. De lidstaten staan voortaan praktisch onder Europese voogdij en dit is een belangrijke verworvenheid, ook voor ons land. Een fase van aanzienlijke opwaartse subsidiariteit is ingetreden. Deze evolutie staat haaks op de irrationele zelbegoochelingen van euro-sceptici van allerlei slag, soevereinisten, nationalisten en populisten, die meer nationale autonomie claimen. Dat de wereld ons dorp is, wordt door hen gecontreerd met de heilloze uitroep dat “ons dorp de wereld” moet blijven.

Veel uitzichtloos geachte problemen zullen opgelost geraken, dank zij wetenschappelijke veroveringen. Een voorbeeld wil ik U niet onthouden, geachte aanwezigen. Het is de oplossing van de taalconflicten in de wereld. India telt 17 officiële talen en de EU 23. Landen met maar twee of drie talen mogen zich dus zalig prijzen. Toch zijn het zeker niet de politici die deze problemen zullen oplossen ondanks hun niet aflatende ijver. De toepassing van de nanotechnologie en de kwantumfysica op de computerkunde, waardoor de binaire rekenkunde wordt vervangen door zogenaamde superpositie, zal leiden tot de productie van micro-computers met een ongeëvenaarde capaciteit die het zullen mogelijk maken een van de aller moeilijkste opdrachten te vervullen: het simultaan vertalen van alle talen in alle andere talen. Onze kleinkinderen zullen wellicht over een paar tientallen jaren rondlopen met geminiaturiseerde simultaan vertaalcomputers, verborgen in het montuur van hun bril of ingeplant in een of andere cariës in hun gebit of gevat in een piercing – eindelijk zal de piercing tot wat dienen – en zij zullen, die brave kleinkinderen van ons, rondkuieren op het Plein van de Hemelse vrede te Peking . De Chinezen zullen Chinees praten en de Belgen Frans en Nederlands en sommigen zelfs Duits en iedereen zal iedereen verstaan. Meteen zal het omgekeerde mirakel van Babel plaatsvinden en zal universalisme verzoend worden met particularisme want de laatste barrière tussen individuen, namelijk de taalbarrière, zal worden opgeheven en toch zullen alle talen, die de ziel uitmaken van elk volk, blijven bestaan.

Einde december van vorig jaar belde een journalist mij met de vraag: ‘Wat is volgens U de belangrijkste gebeurtenis van het afgelopen jaar?” Ik antwoordde, enigszins tot zijn verbazing: “In het lab van de Amerikaanse bioloog Craig Venter leven sinds dit jaar bacteriën waarvan het DNA volledig door mensen is gemaakt. Het is een technisch hoogstandje dat de weg opent naar genetisch veel radicaler gemanipuleerde organismen dan tot nu gebruikelijk zijn. Het gaat nog niet om de creatie van nieuw, synthetisch leven, maar wel om de herschepping van bestaand leven

De veranderingen in de wereld, zeker sinds een behoorlijk aantal eeuwen, wordt gedreven door uitvindingen, ontdekkingen en hun toepassingen, door wat Joseph Schumpeter bedoelde met ‘inventie’ en ‘innovatie’.  Dat daarbij het wetenschappelijk onderzoek op de voorpost zal dienen te staan hoeft niet onderstreept. Ontdekking, uitvinding en innovatie zullen echter hand in hand moeten gaan met industriële toepassing, efficiënt management, wereldwijde vrijhandel, loyale concurrentie, planetaire coördinatie en sturing van de markten.

Nous savons que souvent les dualismes sont artificiels car procédant d’un arbitraire trop intellectuel. Mais force est de constater qu’il y a bel et bien une différence entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Les anglophones utilisent le terme serendipity – vocable difficilement traduisible – pour désigner la découverte fortuite et par hasard d’une nouvelle vérité scientifique, dont peuvent découler des solutions inattendues à de problèmes qui influent sur notre condition humaine. Dans nos sociétés  l’on a trop tendance à favoriser la recherche appliquée, axée sur la solution de problèmes concrets, au détriment de la recherche de base fondamentale qui tente d’élucider les énigmes de la nature, y compris celles qui concernent l’homme, alors que les deux types de recherches sont complémentaires. Les gouvernements, pouvoir de subsidiassions incontournable – et la communauté scientifique en est bien conscient – ont  parfois tendance à privilégier des recherches pratiques alors que la recherche qui n’est pas d’emblée consacrée à des objectifs de rendement est négligée. Cela vaut aussi pour notre pays où la limitation des moyens budgétaires contraint les pouvoirs publics à imposer une sélectivité qui favorise des projets de recherche orientés vers la solution rapides de problèmes concrets. A ce manque d’intérêt pour la recherche fondamentale s’ajoute aujourd’hui une autre menace beaucoup plus précise: c’est le non renouvellement du financement fédéral des pôles d’attraction interuniversitaire, qui expire en fin d’année. D’aucuns prétendent qu’un gouvernement chargé des affaires courantes n’est pas habilité à prendre la décision de proroger ces programmes. D’autres considèrent que c’est une matière qu’il faut défédéraliser et confier aux communautés.

S’il est bien une mesure à laquelle tous les chercheurs belges, néerlandophones comme francophones, sont profondément attachés, ce sont les PAI. Créés en 1987 il s’agit d’un programme dont le financement à hauteur de 140 millions d’euros pour cinq ans est assuré par le gouvernement fédéral. La sixième phase des pôles d’attraction interuniversitaire vient à échéance à la fin de cette année-ci.  Si le gouvernement d’affaires courantes ne proroge pas ce programme de cinq ans, l’emploi de 550 chercheurs particulièrement qualifiés et directement financés par les PAI est mis en péril ainsi que les travaux entrepris hier et aujourd’hui. Les programmes de recherche concernée font parti des 44 réseaux de recherche composée de plus de 300 équipes scientifiques impliquant environ 5000 chercheurs à travers le monde scientifique international. Ces programmes apportent à la recherche belge un véritable ballon d’oxygène sur le plan financier, mais, mieux encore, ils incitent à la collaboration entre les équipes de recherche du nord et du sud du pays et des équipes en Europe et au-delà. Notre pays profite beaucoup de ces collaborations en termes d’image internationale, en particulier dans les domaines où la masse critique se montre essentielle. Je me dois donc ici et à cette occasion au nom de la communauté scientifique de notre pays d’exprimer notre grande inquiétude quant à la suppression des PAIU ou  leur désorganisation suite à des réformes institutionnelles qui ne privilégieraient point la réalisation d’une plus grande efficacité.

Un autre thème qu’il me faut aborder est celui de la protection de la propriété intellectuelle et d’une manière dérivée souvent de la propriété industrielle. Dans notre société de la connaissance, dominée par les technologies de l’information et de la communication planétaire  la protection des inventions et des innovations devient de plus en plus difficile. Un phénomène de déprivatisation se propage grâce à  la diffusion de moyens de communication universellement accessibles et dont le contenu se répand à la vitesse de la lumière. Force est de constater, sur un plan plus général, que cette déprivatisation est de nature à affaiblir considérablement le capitalisme libéral qui repose précisément sur le concept juridique de la propriété privée, concept qui nous a été légué par les Romains il y a 2000 ans. Soulignons d’emblée que la société de la connaissance promeut d’autre part et simultanément un phénomène de décollectivisation généralisé en ce qui concerne la possession et le contrôle des facteurs de production. Le communisme marxiste et le collectivisme socialiste, idéologie de la deuxième moitié du XIXe et du XXe siècle, deviennent inopérants dès lors que la connaissance et la recherche innovatrice qu’elle alimente devient le facteur de production dominant, supplantant des facteurs plus physiques tels les machines, les ressources naturelles, les capitaux, les entreprises. Décollectivisation et déprivatisation posent alors le problème du statut de la propriété intellectuelle et du statut juridique des résultats de la recherche scientifiques. Dans certaines milieux intellectuels l’idée commence à prévaloir que les inventions de l’homme ne doivent  plus être protégées, voire privatisées et donc monopolisées et qu’il qu’il faut au contraire d’emblée les mettre à la disposition de l’humanité toute entière puisqu’aussi bien ces découvertes relèvent  de l’héritage universel. La peur de la monopolisation est particulièrement vive en ce qui concerne la biogénétique et les biotechnologies p.e. en matière de séquences d’ADN ou du génôme humain et animal. Cette évolution pose bien entendu le problème du financement de la recherche et du développement, au niveau des entreprises comme à celui des universités. Ce n’est donc pas un hasard que lors de l’ouverture des négociations du Doha round le président américain Clinton avait déjà en son temps œuvré pour que la protection de la propriété intellectuelle et industrielle soit inscrite comme premier point à l’ordre du jour.

On ne peut par ailleurs que se réjouir que sous la récente présidence belge de l’union européenne un accord entre états membres a pu être dégagé entraînant une forte réduction des coûts attachés à l’obtention de brevets ou de patentes en limitant fortement le nombre de langues dans lesquelles les documents nécessaires doivent être rédigés. Auparavant le coût moyen d’un brevet en Europe se chiffrait par environ 30 000 € et la procédure était complexe et longue. Aujourd’hui l’on se rapproche progressivement du coût aux États-Unis qui ne dépasse guère l’équivalent de 1.500 €. Le lancement d’une patente unique européenne constitue un important progrès qui permettra aussi aux chercheurs de se protéger plus efficacement contre les pratiques de contrefaçon et d’imitation sans licence.

La protection de la propriété intellectuelle ne peut cependant contrecarrer les tendances à coopérer davantage sur le plan de la recherche et de ses applications. Il est utile aujourd’hui de faire la distinction entre la recherche et l’innovation fermées d’une part et la recherche et l’innovation ouvertes d’autre part. L’innovation ouverte facilite la coopération entre entreprises et grands centres de recherche, telles les universités, mais aussi entre entreprises, même parfois appartenant à des secteurs différents et opérant sur des marchés distincts. Les économistes, qui adorent les néologismes, parlent aujourd’hui avec beaucoup d’ardeur de la « coopétition », à savoir une combinaison de coopération et de compétition pouvant donner lieu à de nouvelles synergies tout en évitant les excès d’une compétition destructrice.

Deze en veel andere beschouwingen zijn voor de Raad van bestuur van de Francqui-Stichting zoveel motiveringen om met onwankelbare overtuiging en toewijding de biologisch en medische wetenschappen, de exacte en de menswetenschappen te steunen en te promoten. En dat doen wij vandaag en hoe.

De internationale jury belast met het beoordelen van de kandidaten voor de Francqui-Prijs heeft eenparig een voorstel gedaan dat door de raad van bestuur van de Francqui-Stichting werd goedgekeurd. Mag ik bij dezen aan de leden van de internationale jury oprecht hulde brengen voor hun eminente deskundigheid en meer bepaald aan de voorzitter van de jury, Professor Tim Hunt, Professor aan de universiteit van de Cambridge University, en Nobelprijswinnaar geneeskunde in 2001. De internationale jury, waarin nota bene nooit Belgen zetelen, verleent elk jaar opnieuw door haar uitzonderlijke degelijkheid een getuigschrift van objectiviteit en hoge standing aan de Francqui-Prijs  .

J’en viens maintenant à l’essentiel. Le lauréat est monsieur le Professeur Pierre Vanderhaeghen de l’Université Libre de Bruxelles. Je vous lis la motivation du jury :

Conclusions of the International Jury of the Francqui Prize 2011

The 2011 Francqui Prize in Biological and Medical Sciences is awarded to Pierre  Vanderhaeghen for his seminal contributions to our understanding of the formation of the mammalian brain. In the brain of humans and of other mammalian species, each neuron has to find its own specific place, and connect to other neurons in order to be able to perform their complex functions. The work of Pierre Vanderhaeghen is beginning to uncover how specific molecular signals orchestrate this development.

Through elegant experiments, Pierre Vanderhaeghen discovered that neurons use ephrin signals to guide the making of connections during embryogenesis.  This work has important implications for our understanding of how the mammalian brain is formed, and in particular how specific nerve cells move to their appropriate position in the brain. The same pathway controls the number of neurons in the cortex, and thereby influences the size of the brain.

More recently, Pierre Vanderhaeghen performed groundbreaking work in which he demonstrated how mouse embryonic stem cells can be induced to differentiate into cells that resemble functional neurons. These engineered cells develop the appropriate patterns of axonal projections when grafted into the cerebral cortex, with promise for the use of such cells for the correction of neurodegenerative diseases.

Collectively, the experiments of Pierre Vanderhaeghen provide insight into brain development and offer hope for the future development of therapies for diseases of the human brain.

Mesdames Messieurs, la Fondation Francqui, consciente de ses responsabilités quant à la stimulation de la recherche scientifique et la promotion d’un climat sociétal propice à susciter des vocations scientifiques, a porté le montant du prix Francqui à 250.000 euros, y compris une tranche pour la programme de recherche du lauréat et pour l’organisation d’un colloque international de très haut niveau. Le Prix Francqui représente aujourd’hui pour le lauréat une enveloppe financière qui situe notre récompense, comparé à ce qui se fait à l’étranger, parmi les prix les plus élevés mais aussi les plus prestigieux mis à la disposition de la communauté scientifique.

Qui est Pierre vanderhaeghen?  Monsieur Vanderhaeghen est né à Bruxelles le 30 août 1967. Après un parcours scolaire à l’Athénée Robert Catteau à Bruxelles, il entreprend des études de Médecine à l’Université Libre de Bruxelles (ULB). Dès le début de ses études, il est fasciné par les sciences du vivant. Il devint  le prototype du chercheur scientifique. Il prépara sa carrière en travaillant dans plusieurs laboratoires de biochimie, même pendant ses vacances universitaires. Il obtint son diplôme de mastère de la faculté de médecine de l’ULB en 1992 avec la plus grande distinction et décide de se consacrer totalement à la recherche fondamentale.

A l’issue de ses études, il entame une thèse de Doctorat à l’ULB en tant qu’Aspirant du FNRS, sous la direction des Professeurs Vassart et Parmentier.  Il défend sa thèse en 1996 et décide alors de se concentrer sur un sujet qui le fascine depuis longtemps: le développement du cerveau. Il part à l’Université de Harvard, en tant que boursier de la Belgian American Educational Foundation et de la Fondation Francqui. Combinant des techniques de génétique et d’embryologie chez la souris, Pierre Vanderhaeghen et ses collaborateurs de Harvard démontrent ainsi le rôle crucial d’une nouvelle famille de facteurs de signalisation, les ephrines, au cours du développement des connexions neuronales chez les mammifères.

Rentré en Belgique, soutenu e.a. par des programmes fédéraux PAIU, il développe des recherches centrées sur le cortex cérébral, structure essentielle de notre cerveau, mais qui était resté largement terra incognita quant aux mécanismes de son développement.  Intégré dans le corps professoral de l’ULB, Pierre Vanderhaeghen mit au point un modèle totalement original de développement du cortex. C’est en 2008 que le professeur Pierre Vanderhaeghen fait sa prodigieuse découverte en travaillant sur des cellules souches pluripotentes embryonnaires. Il a fait le constat  que ces cellules pourraient en les traitant en laboratoire, générer du néo-cortex cérébral,  qui est la structure la plus complexe du cerveau et peut-être la plus complexe de l’univers.  Pierre Vanderhaeghen expliquera beaucoup mieux que moi la portée de ses découvertes et les perspectives médicales très encourageantes qui en découlent.

Un journal néerlandophone à bien résumé les succès obtenus par les recherches de Pierre Vanderhaeghen en annonçant en manchette : Onderzoek ontsluiert ontstaan van de hersenen.  Pierre Vanderhaeghen entend bien poursuivre ses recherches car beaucoup de questions demeurent.

J’ajouterai encore que le professeur Vanderhaeghen est aujourd’hui à la tête d’une  équipe de chercheurs dynamiques venant des quatre coins de Belgique et d’Europe.  Il a été élu Membre de l’Académie Royale de Médecine et de l’organisation européenne de biologie moléculaire EMBO en 2009.  Il est le père comblé de deux filles, Julie et Marion et est par ailleurs passionné de musique. On m’a confié qu’il chante à l’occasion dans un groupe de rock bruxellois, les FCB, acronyme énigmatique qui apparemment ne réfère pas à l’un ou l’autre club de football.

In de persoon van de laureaat brengen wij vandaag hulde aan al deze geleerden, onderzoekers, verkenners van het onbekende, pioniers van de verbeelding, scheppers van creativiteit die sedert bijna 80 jaar in de eregalerij van de Francqui-Stichting schitteren. Het is waarlijk passend en billijk even na te denken, met sympathie en bewondering, over de roeping van de wetenschapper en zijn enigmatisch verlangen om de terra incognita van onze onwetendheid te veroveren, die groot blijft ondanks het feit dat onze samenleving de maatschappij van de kennis is geworden. Wetenschappelijke kennis verbetert in aanzienlijke mate wat wij de condition humaine noemen . Zij leidt ook tot inzicht en verdraagzaamheid onder mensen die hun verstand gebruiken. Conflicten, twisten, de onmogelijkheid om samen te werken zijn vaak het gevolg van gebrekkige kennis of foute interpretatie van feiten en gegevens. De wetenschapper leidt een apart bestaan in onze samenleving. Zijn loopbaan is gekenmerkt door enorme persoonlijke inspanning, eenzaamheid ook, twijfels, ongeduld maar ook door bruisend enthousiasme als zijn onderzoek met succes wordt bekroond. Uiteraard is niet elke kennis onschuldig en kan zij ook onoordeelkundig worden aangewend. De goede wetenschapper weet ook dat er een onderscheid is tussen kennis en wijsheid en dat dit soms kan leiden tot een onwennige spreidstand. Het is het ontredderend voorrecht van de mens bestemd te zijn om na te denken en te streven naar de waarheid in het bewustzijn nochtans dat het monopoliseren van wat tot waarheid wordt verheven, kan leiden tot grote maatschappelijke spanningen en conflicten. De echte wetenschapper is vooral zeker van zijn onzekerheden en hij weet ook dat ondanks alle vooruitgang onze onwetendheid nog steeds encyclopedisch is. Onlangs ontdekte ik volgende stichtende Engelse uitspraak: Life is not about what you consume, life is about what consumes you’ De wetenschapper moet niet worden gevoed door comfort maar wel degelijk worden verteerd door het vuur van zijn nieuwsgierigheid en speurzin en de offers die hij bereid is te brengen voor de ontdekking van het nieuwe. De Francqui-Prijs is een prachtige erkenning van deze passie vandaag belichaamd door Pierre Vanderhaeghen.

Nu breekt eindelijk het ogenblik aan waarop we de glansrijke lijst van Francqui-Laureaten gaan vervolledigen door de toekenning van de Francqui-Prijs aan professor Pierre Vanderhaeghen. Mag ik Zijne Koninklijke Hoogheid Prins Filip nu verzoeken over te gaan tot de uitreiking van de Francqui-Prijs anno 2011

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Discours du Professeur Pierre Vanderhaeghen

Monseigneur,    

Het is een hele eer om zo’n prestigieuze onderscheiding als de Francqui-Prijs uit uw handen te mogen ontvangen. Ze vormt niet alleen een erkenning, maar vooral een ongelooflijke aanmoediging voor ons onderzoek.

Uw aanwezigheid vandaag getuigt eens te meer van de erg gewaardeerde en niet aflatende inspanningen die de Koninklijke Familie onderneemt om het wetenschappelijk onderzoek in ons land blijvend te ondersteunen. Ik dank U ter ganse, alsook de Francqui-Stichting, voor de eer die me vandaag toekomt.

Monseigneur, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs :

Le prix qui est censé m’ honorer aujourd’hui, et il m’ honore grandement, vise bien plus que ma simple personne. En effet les découvertes scientifiques sont rarement l’oeuvre d’un seul individu, mais bien plutôt le résultat d’une entreprise collective menée par des groupes de chercheurs, dont la collaboration apporte bien plus que la simple somme des parties. Je désire donc associer à cette reconnaissance tous mes collaborateurs, jeunes et moins jeunes, car c’est à eux que je dois surtout d’être Lauréat aujourd’hui.

Je pense tout d’abord  aux plus jeunes: étudiants, doctorants, post-doctorants et techniciens, qui ont dépensé sans compter leur énergie et leur enthousiasme à réaliser nos projets communs, tout en faisant preuve de grande confiance et tolérance face à mes exigences et mes impatiences.

Mes pensées vont aussi vers mes maîtres, même si c’est un terme qu’en tant que scientifiques nous n’apprécions pas trop. Jacques Dumont, qui a créé l’IRIBHM et m’a accueilli au sein de ce vivier extraordinaire. Gilbert Vassart et Marc Parmentier, exemples exceptionnels de créativité, de générosité, et de rigueur scientifique, et avec qui je converse encore aujourd’hui de la science et de la vie, avec le même plaisir que lors de mes années de Doctorat. John Flanagan, qui m’a laissé une liberté d’action exceptionnelle, tout en me guidant avec intuition et enthousiasme. Enfin, la liste est longue de mes collègues, qu’ils soient de l’ULB ou d’autres universités belges, de France, d’Allemagne, des Etats-Unis, avec qui des collaborations fructueuses ont permis de réaliser nos recherches.

Je voudrais également remercier le FNRS, qui m’a permis de développer mes recherches de façon libre et optimale dès mes débuts. Ainsi que les autorités de l’ULB, en particulier le pro-Recteur Philippe Vincke et le Recteur Didier Viviers, qui font preuve d’une grande détermination pour garantir un avenir compétitif à la recherche fondamentale. Je voudrais aussi rendre hommage aux organismes qui nous ont accordé leur confiance en finançant nos projets: les Fondations Médicale Reine Elizabeth, Clerdent, de Spoelbergh, la Fondation ULB, le Fonds Erasme et le Kid’s Fund, les programmes fédéraux IUAP, la Communauté française et la Région wallonne via les Actions de Recherche concertée, les Programmes d’Excellence et le programme Welbio, et les programmes européens de l’EMBO et Marie Curie.

Ma gratitude va enfin à mes proches: mon père et ma mère, mes frère et soeur; mes filles Julie et Marion et leur maman, et mes amis qui sont comme une deuxième famille. Chacun à leur façon ils ont contribué à ma présence aujourd’hui, et je suis heureux qu’ils soient là en nombre pour partager ce moment. A cet égard mon père et mon grand-père maternel occupent une place spéciale. Tous deux ont été des exemples extraordinaires pour moi, en tant que chercheurs de renom, et par la probité et la passion avec laquelle ils ont contribué à l’aventure scientifique, et ainsi me donner l’envie de m’y lancer également.

Notre recherche se focalise sur le développement du système nerveux, et en particulier celui du cortex cérébral, la structure la plus complexe de notre cerveau. Le cortex occupe une place à part dans notre espèce: non seulement il contrôle nos fonctions motrices et sensitives, mais il est aussi le siège du langage, de la pensée, la réflexion. Le cortex est ainsi l’un des substrats essentiels de l’évolution de notre espèce, homo sapiens. En outre il est la cible de nombreuses maladies neurologiques et psychiatriques pour la plupart encore incurables à ce jour. Comprendre comment la complexité du cortex émerge au cours du développement constitue ainsi un défi majeur des neurosciences fondamentales et cliniques.

Nous nous sommes d’abord intéressé au contrôle génétique du développement du cortex chez la souris. Nous avons ainsi identifié des facteurs appelés ephrines, qui agissent comme des signaux chimiques que s’échangent les cellules nerveuses, leur permettant de se reconnaître et ainsi de se connecter les unes aux autres de façon précise. En parallèle nous avons identifié une série de gènes exprimés de façon sélective dans le cerveau humain en développement, tissant ainsi un lien potentiel entre le développement cérébral et et son évolution chez l’homme. L’identification de gènes contrôlant la mise en place du cortex cérébral, de la souris à l’homme, constitue une source essentielle à notre compréhension des maladies du cerveau. Même si le chemin à parcourir est encore long et difficile, gageons que c’est via l’étude du développement cérébral que de nouveaux traitements de ces maladies pourront être développés dans le moyen terme.

La complexité du cortex cérébral, si fascinante soit-elle, pose de nombreux problèmes à ceux qui l’étudient. C’est ainsi que nous avons tenté de générer un modèle réductionniste permettant de récapituler son développement. Nous avions choisi pour ce faire de tirer parti des technologies émergentes des cellules souches embryonnaires. Ces cellules, dérivées de l’embryon très précoce mais cultivées en routine au laboratoire, sont pluripotentes, c’est à dire capables de se transformer en n’importe quelle autre cellule de l’organisme, mais en même temps capables d’auto-renouvellement quasi infini. Nous nous sommes d’aure part inspiré de travaux d’embryologie classique, qui avaient montré qu’au sein de l’embryon, le tissu nerveux dit ‘antérieur’, qui donne naissance au cortex, se développe principalement selon un processus spontané, en absence de stimuli extérieurs. Suivant cette hypothèse, nous avons observé que les cellules souches embryonnaires, cultivées dans un milieu sans additif, peuvent être transformées en cellules nerveuses ou neurones du cortex, selon un mécanisme spontané étonnamment efficace. Nous avons ensuite greffé ces cellules nerveuses dans des cerveaux de souris nouveau-né. Les neurones ainsi greffés ont montré leur capacité à se connecter avec le cerveau hôte de façon hautement spécifique, démontrant par là leur fonctionnalité potentielle.

Cette « corticogenèse » in vitro, ou génération de cortex « en boîte », constitue un outil à haut potentiel pour la recherche pharmaceutique et médicale. En offrant pour la première fois l’accès à une source illimitée de neurones spécifiques du cortex, pouvant être utilisés pour modéliser les maladies neurologiques et tester de nouveaux médicaments. A beaucoup plus long terme, les neurones ainsi générés pourraient aussi être utilisés comme ‘pièces de rechange’ permettant la réparation d’un cortex lésé ou en dégénérescence.

Beaucoup de travail reste à faire afin de traduire ces découvertes en retombées pratiques. Mais cette histoire illustre, il me semble de façon frappante, deux éléments clé du processus de la découverte scientifique: d’une part l’apport d’expériences réalisées au départ dans un pur esprit de curiosité scientifique; et d’autre part, le caractère largement imprévisible de toute découverte. Curiosité et imprévisibilité: sans ces deux aspects essentiels, pas de découverte ni d’innovation; d’où l’importance d’une recherche fondamentale libre, non orientée, comme vecteur de progrès technologique et humain.

Je voudrais donc conclure par quelques mots au sujet du financement de la recherche fondamentale, qui en Belgique reste très fragile face à la concurrence internationale. La menace qui plane sur les programmes IUAP, l’un des rares outils fédéraux de financement de la recherche, qui permet à des réseaux de chercheurs de collaborer efficacement de part et d’autre de la frontière linguistique, est un exemple frappant de la fragilité du monde académique face aux contingences politiques. Certaines mesures vont cependant dans la bonne direction, notamment le programme Welbio récemment mis en place en Communauté française, l’institut VIB établi de plus longue date en Flandre, ainsi que le Conseil européen de la recherche ou ERC. Ces initiatives contribuent de façon majeure au renouveau de la science européenne, après des années de trop grande concentration des moyens vers la recherche à orientation industrielle. Mais il est essentiel que nos décideurs continuent sur cette lancée privilégient les investissements de haute qualité mais au long cours, et résistent à la tentation du court terme. Il faut faire le pari ambitieux de la liberté de notre recherche, favorisant la création d’une société basée sur la connaissance, et non le profit.

Monseigneur,

Ce projet de société de la connaissance n’a cependant de sens sur le plan éthique, et d’avenir durable sur le plan pratique, que s’il s’assortit d’un juste partage. C’est ainsi qu’à côté de la recherche, il est essentiel de promouvoir notre enseignement, en particulier ses rouages les plus fondamentaux de l’école primaire et secondaire, pour permettre à chacun, quelle que soit son origine, d’accéder à la connaissance. Ainsi, l’excellence en recherche ne doit pas être considérée comme antagoniste d’un enseignement démocratique: ils doivent contribuer ensemble à bâtir une société plus compétitive, plus équitable, plus ouverte sur le monde.

Je vous remercie.