1970 – Rapport Jury Radu Balescu

 

Remise solennelle du Prix Francqui
par Sa Majesté Le Roi Baudouin
à la Fondation Universitaire le
21 mai 1970

Curriculum Vitae – Rapport du Jury – Discours

Radu Balescu

(15 juillet 1932 – 1 juin 2006)

Né à Bucarest, le 15 juillet 1932

Diplôme universitaire :

Docteur en sciences, Université Lire de Bruxelles, 1958

Fonctions :

Professeur extraordinaire à la Faculté des sciences de l’Université Libre de Bruxelles : relaxation et résonance, plasma et magnéto-hydrodynamique.

Curriculum vitae :

Assistant au Service de physique théorique et mathématique de l’Université Libre de Bruxelles, 1957-1961.
Chargé de cours, 1960-1969.
Professeur associé, 1964-1969.
Professeur extraordinaire à l’Université Libre de Bruxelles, 1969.
Maître de conférences à l’Université de l’Etat à Liège, 1962-1968.
Visiting Professor, University of Texas, Austin, 1967, 1970-1971.
Membre du Groupe de Liaison Fusion de l’Euratom, 1969.

Distinctions scientifiques :

Prix Jean Stas, 1959.
Prix Théophile De Donder, 1961.
Membre correspondant de l’Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, 1970.

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Rapport du Jury (11 avril 1970)

Considérant que les travaux de M. Balescu en mécanique statistique et plus particulièrement dans la théorie cinétique des plasmas ont contribué à repousser les frontières de nos connaissances actuelles en ce domaine;

considérant que dans ses travaux il a fait preuve d’une très grande originalité, de beaucoup d’élégance et de rigueur et enfin d’une puissante intuition physique;

considérant que les résultats scientifiques qu’il a obtenus – et notamment l’équation fondamentale qu’il a établie – ont eu un retentissement international;

décide d’attribuer le Prix Francqui 1970 à Monsieur Radu Balescu, Professeur extraordinaire à la Faculté des sciences de l’Université Libre de Bruxelles.

Jury international dans lequel siégeaient :

Le Professeur Ronald G.W. Norrish
Professeur émérite de l’Université de Cambridge

                                                                      Président

et

Le Professeur Gilberto Bernardini
Directeur de la Scuola Normale Superiore

Pise – Italie

Le Professeur Jean-Loup Delcroix
Professeur à la Faculté des sciences

Directeur du Laboratoire de physique des plasmas
Orsay – France

Le Professeur Frederick Charles Frank
Henry Overton Wills Professor de physique à l’Université de Bristol

Le Professeur René Freymann
Professeur à la Faculté des sciences

Directeur du Laboratoire de physique expérimentale moléculaire
Paris – France

Le Professeur Peter Mazur
Professeur à l’Université de Leyde et Directeur de l’Institut Lorentz

Le Professeur Nevill Francis Mott
Cavendish Professor de physique à l’Université de Cambridge

Le Professeur Charles Sadron
Professeur titulaire au Museum National d’Histoire naturelle dans la Chaire de Biophysique

Directeur du Centre de biophysique moléculaire
Orléans – France

Le Professeur Hendrik Ch. van de Hulst
Professeur à l’Université de Leyde

Le Professeur Jean Wyart
Professeur à la Faculté des sciences

Directeur du Centre de documentation du Centre National de la Recherche Scientifique
Membre de l’Académie des Sciences
Paris – France

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Discours de Monsieur Jean Willems
Président de la Fondation Francqui

Sire,

En réitérant à Votre Majesté l’hommage de la reconnaissance de cette assemblée pour ce que la Dynastie a érigé en tradition – à savoir la remise du Prix Francqui par le Roi – je tiens à exprimer à Votre Majesté les sentiments de respectueux attachement de toutes les personnalités présentes à cette séance solennelle.

C’est un Jury International constituté par nos soins qui a proposé l’octroi de cette distinction hautement convoitée, à M. Radu Balescu, Professeur extraordinaire à l’Université Libre de Bruxelles.

Sur la base des recommandations de ce Collège, le Conseil d’administration de la Fondation Francqui a libellé comme suit, le diplôme que votre Majesté voudra bien, dans un instant remettre au jeune savant :

Le Conseil d’administration de la Fondation Francqui siègeant à Bruxelles le 13 avril 1970,

Entendu le Jury chargé de lui faire rapport, décide de conférer le Prix Francqui 1970 à Monsieur Radu Balescu, Professeur extraordinaire à la Faculté des Sciences de l’Université Libre de Bruxelles.

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Discours du Professeur Radu Balescu

Sire,

Qu’il me soit permis d’exprimer, bien gauchement je le crains, le grand honneur et la profonde émotion que je ressens en ce jour où Votre Majesté daigne me remettre le diplôme afférent à la haute distinction scientifique que constitue le Prix Francqui.  Sa présence à cette cérémonie constitue, pour tous les homme de science belges, un encouragement et un stimulant hors pair, par le témoignage de Son vif intérêt pour tout ce qui touche la promotion de la recherche scientifique dans notre pays.  Pour moi, en particulier, l’image de ce jour restera à jamais gravée profondément dans le coeur et dans l’esprit.  Que Votre Majesté veuille agréer l’expression de mon immense gratitude pour m’avoir offert cet instant.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

C’est un très grand honneur que m’a fait l’éminent Jury international qui a examiné mes travaux et les a jugés dignes de cette consécration qui m’échoit aujourd’hui.  Ce Prix constitue en premier lieu un puissant stimulant qui me pousse littéralement en avant dans cette voie que j’ai choisie, il y a déjà seize ans.

Que les membres de la Fondation Francqui trouvent ici l’expression de mes plus vifs remerciements.

Je voudrais étendre mon tribut de reconnaissance au Fonds National de la Recherche Scientifique et au Fonds de la Recherche Fondamentale Collective auxquels j’ai eu le privilège d’être associé, pour les nombreuses facilités qu’ils m’ont accordées, en me permettant notamment d’effectuer plusieurs importants voyages scientifiques.

Aux grands tournants de notre vie, comblé de joie, notre esprit marque un temps d’arrêt, reprend haleine : il fait le point.  Instictivement il se tourne vers le passé, et essaie de comprendre par quel chemin et par l’action de quelles forces nous sommes parvenus jusqu’à l’instant présent.

Mes souvenirs m’emportent ainsi jusqu’à ces jours – déjà lointains – où je passais une enfance et une adolescence heureuses en Roumanie et où je commençais à m’initier aux premiers rudiments de la chimie dans un laboratoire de fortune, avec l’appui de mon père qui m’a, dès le début, encouragé à poursuivre dans cette voie.

Les chemins incertains de la vie m’ont conduit en Belgique à l’âge de seize ans.  Ce fut le premier grand tournant.  Je n’ai pas tardé à aimer profondément ce pays qui m’a offert sont hospitalité, et qui m’a permis de développer pleinement mon potentiel.  J’y pris bientôt profondément racine.

Avec l’aide et le soutien que n’ont cessé de me prodiguer ma mère et mon beau-père, l’Ambassadeur Eugène Du Bois, disparu trop tôt, hélas, j’ai pu poursuivre mes études à l’Université de Bruxelles dans des conditions idéales.  J’y ai trouvé une atmosphère généreuse et enthousiasmante et un enseignement du plus haut niveau.

Le deuxième tournant décisif de ma vie se produisit lorsqu’un jour de septembre 1954 je me présentai chez le Professeur Ilya Prigogine pour lui demander d’accepter la direction de ma thèse de doctorat.  A partir de ce jour, ma carrière fut indissolublement liée à lui.  C’est lui qui me fit découvrir les trésors inépuisables de la physique théorique, qui guida mes premiers pas et m’imprima non seulement une méthode de travail, mais encore et surtout son enthousiasme communicatif.  Cet enthousiasme fut le ciment qui bientôt unit autour de lui un groupe de jeunes d’une vitalité, d’une puissance et d’une cohésion que je n’ai rencontrées, réunies, nulle part au monde.  C’est au milieu d’un flot incessant d’idées, où la pensée s’élabore continuellement, stimulée ici, corrigée là, que naquit une oeuvre qui porte au loin la renommée de l’Ecole de Bruxelles et de son directeur.

Le grand honneur qui m’échoit aujourd’hui rejaillit entièrement sur mon Maître, le Professeur Prigogine, sur cet extraordinaire groupe de chercheurs dont j’ai eu le privilège de faire partie, et sur l’Université Libre de Bruxelles qui n’a jamais cessé d’encourager de toutes les manières nos activités.

Sire,

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

On peut faire de la Science par ce que c’est utile.  On peut faire de la Science parce que c’est beau.  Il n’y a pas, entre ces deux attitudes, d’opposition ou de hiérarchie.  La motivation qui guide l’un ou l’autre savant est dictée par son propre tempérament.  Une équation d’Einstein a la rigueur d’une fugue de Bach, l’oeuvre de Boltzmann a les accents pathétiques des derniers quatuors de Beethoven, un article de Feynman a la perfection, mais aussi la sensualité d’un madrigal de Monteverdi.

Ce qui est beau ne manque pas de devenir utile.  L’histoire de la science n’a jamais contredit ce principe.  Dans le domaine qui me passionne depuis quinze ans, ce double aspect de la recherche scientifique s’illustre avec éclat en pleine période d’évolution.

Le physicien théoricien trouve dans l’étude des plasmas un matériel de choix pour y exercer sa curiosité et son imagination créative.  Ce quatrième état de la matière, dans lequel les particules chargées d’électricité interagissent à grande distance par un échange continuel d’ondes électro-magnétiques, défie à tout instant l’esprit du chercheur.  Aucun des principes établis pour la matière ordinaire ne reste valable pour expliquer les propriétés des plasmas.

Or, le physicien, qui cherche la lumière à travers cette forêt obscure, n’ignore pas que de ses efforts, conjugués avec la recherche technologique la plus avancée de se collègues ingénieurs, sortira un jour le réacteur thermonucléaire.  Ce jour-là l’angoissant problème des ressources d’énergie de notre globe sera résolu pour des milliers d’années.  Nous aurons maîtrisé la source d’énergie du soleil, et nous pourrons « brûler » l’eau de nos océans.

Je me permets d’interpréter le grand honneur qui m’échoit aujourd’hui comme un témoignage de l’intérêt que le splus hautes autorités de notre pays portent au développement de cette rechercher fascinante.  Il n’y a pas de plus puissant stimulant à poursuivre cette oeuvre qui s’intègre, bien modestement, dans un effort à l’échelle planétaire.

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