1964 – Rapport Paul Ledoux
Remise solennelle du Prix Francqui
par Sa Majesté Le Roi Baudouin
à la Fondation Universitaire le 10 juin 1964
Curriculum Vitae – Rapport du Jury – Discours
Paul Ledoux
Curriculum Vitae
(08/08/1914 – 06/10/1988)
Né à Forrières, le 8 août 1914
Diplômes universitaires :
Licencié en sciences physiques, Université de l’Etat à Liège, 1937
Docteur en sciences, Université de l’Etat à Liège, 1946
Agrégé de l’enseignement supérieur, Université de l’Etat à Liège, 1949
Fonctions :
Professeur oridnaire à la Faculté des Sciences de l’Université de l’Etat à Liège : mécanique analytique et astrophysique théorique
Curriculum vitae :
Boursier de la Fondation Francqui, 1939-1940
C.R.B. Graduate Fellow, 1941 et 1946-1947
Assistant à l’Université de l’Etat à Liège, 1947-1949
Conseiller météorologique adjoint à la Régie des Voies aériennes, 1947-1949
Chef de travaux, 1949-1951
Associé du Fonds National de la Recherche Scientifique, 1949-1955
Higgins Research Fellow, Princeton, 1951
Agrégé de Faculté, 1951-1956
Maître de conférences, 1954-1956
Chargé de cours, 1956-1959
Professeur ordinaire, 1959
C.R.B. Advanced Fellow, 1959
Président de la Société belge d’Astronomie, de Météorologie et de Physique du Globe, 1960-1963.
Membre de la Section Sciences mathématiques du Jury des Prix Louis Empain, 1961
Visiting Professor of the American Astronomical Society, Berkeley, 1963
Président de la Commission 35 : Constitution interne des étoiles de l’Union Astronomique Internationale (U.A.I.), 1964-1967
Membre de la Commission d’Astronomie et de Géophysique du Fonds National de la Recherche Scientifique, 1964-1969
Membre du Conseil d’administration de la Fondation La Jeunesse Belge à l’Etranger, 1967
Visiting Professor, Monash University, Australia 1967
Distinctions scientifiques :
Lauréat du Concours des bourses de voyage du Gouvernement, 1937
Prix A. De Potter, 1949
Prix des Amis de l’Université de Liège, 1949
Prix E. Mailly, 1952
Prix A. Wetrems, 1954
Prix du Concours décennal des mathématiques appliquées (7e période, 1953-1962)
Membre titulaire de l’Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique, 1966
Titulaire de la Chaire Francqui à l’Université Libre de Bruxelles, 1967-1968
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Rapport du Jury (21 mars 1964)
Considérant l’originalité, la portée et la généralité des recherches du Professeur Paul LEDOUX dans le domaine de l’astrophysique théorique et, plus particulièrement, les progrès marquants qu’il a fait faire à la compréhension du problème de la stabilité des étoiles,
considérant l’importance de ses découvertes dans les domaines des conditions d’existence des étoiles,
considérant le rayonnement international de ses travaux et l’importance de l’école d’astrophysique théorique qu’il a su créer autour de lui,
décide de conférer le Prix Francqui 1964 à Monsieur le Professeur Paul LEDOUX.
Jury international dans lequel siégeaient :
Le Professeur Mgr F. Lemaitre
Professeur à l’Université Catholique de Louvain
Président
et
Le Professeur L. de Brouckère
Professeur à l’Université Libre de Bruxelles
Le Professeur A. Charlesby
Professeur au Royal Military College et Science
Schrivenham, Swindon
Wiltshire
Le Professeur Sir H. Melville
Professeur à l’Université de Birmingham
Le Professeur I. Prigogine
Professeur à l’Université Libre de Bruxelles
Le Professeur Ch. Sadron
Professeur à l’Université de Strasbourg
Directeur de l’Institut des Macromolécules
Le Professeur E. Schatzman
Professeur à l’Université de Paris
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Discours de Monsieur M. Solvay, Président de la Fondation Francqui
En saluant avec une déférente reconnaissance la présence de Votre Majesté à cette séance consacrée à la remise du Prix Francqui au Professeur Paul LEDOUX, je ne puis m’empêcher de me souvenir de ce que l’an dernier, il avait plu à Sa Majesté la Reine d’être parmi nous dans des circonstances analogues.
C’est en raison d’un sentiment de discrétion que nous ne nous sommes pas permis de renouveler cette invitation; mais nous serions particulièrement heureux s’il plaisait au Roi de transmettre à Sa Majesté la Reine le nouvel hommage de nos sentiments de très respectueux attachement.
En 1948, le Professeur Pol SWINGS, de l’Université de Liège, se voyait conférer le Prix Francqui; aujourd’hui, c’est un disciple de ce maître, Mr. Paul LEDOUX, que le Jury, dans lequel siègeaient d’éminents savants étrangers et belges, a couronné.
Agé de 49 ans, Mr. Paul LEDOUX, Professeur ordinaire à l’Université de Liège, s’est illustré notamment par ses travaux sur la structure interne des étoiles, travaux qui lui ont valu, depuis de longues années déjà, la haute estime du monde savant.
Membre correspondant de l’Académie Royale de Belgique, Président en exercice d’une des plus importantes Commissions de l’Union Astronomique Internationale; appelé à professer dans de grandes Universités étrangères et rapporteur à de nombreux congrès internationaux, le Professeur LEDOUX a consacré tous ses efforts à la création à l’Université de Liège d’une Ecole d’astrophysique théorique et a réussi à réunir autour de lui un groupe de jeunes chercheurs enthousiastes dont certains ont déjà publié des travaux largement appréciés.
Avec l’autorisation de Votre Majesté, je prierai maintenant notre collègue, Mr. Jean WILLEMS, de donner lecture du diplôme.
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Discours du Professeur Paul Ledoux
Sire,
Je prive votre Majesté d’agréer l’expression de toute ma reconnaissance d’avoir daigné accepter de me remettre cette haute distinction, conférant ainsi à cette cérémonie une solennité qui en fixera à jamais le souvenir parmi ceux qui me sont les plus précieux.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
Puis-je me permettre de redire ici combien je me sens honoré par la décision du Jury International éminent qui a estimé que mes efforts et mes travaux consacrés à quelques-uns des mécanismes qui animent le monde stellaire méritaient ce magnifique couronnement.
Aux membres du Conseil de la Fondation Francqui, j’exprime mes plus vifs remerciements d’avoir bien voulu sanctionner cette décision.
En cette occasion, ma pensée se tourne avec émotion vers le souvenir de mes parents qui, dans des conditions très modestes et déjà fort âgés n’ont pas hésité à encourager le cadet de la famille dans une voie qui a dû cependant leur paraître souvent hasardeuse et qui n’a pas manqué de leur coûter bien des sacrifices, me donnant ainsi la plus belle leçon de courage et de foi dans la vie.
Je désire également rendre hommage à tous ceux qui, à un stade ou l’autre, furent mes maîtres et qui, tout en me dispensant les éléments de ma formation intellectuelle ont éveillé en moi de nouvelles curiosités. Leur indulgence généreuse et leurs encouragements désintéressés ont renforcé ma vocation et m’ont ouvert la carrière scientifique.
Enfin, comme beaucoup d’hommes de science belges, j’ai largement profité de l’aide des Fondations qu’abrite cette maison, de la Fondation Universitaire pour mes études régulières, de la Fondation Francqui, de la Belgian American Educational Fondation, du F.N.R.S. pour des voyages et des séjours à l’étranger ou pour des crédits spéciaux qui m’ont grandement aidé à poursuivre des recherches si éloignées, dans l’immédiat du moins, de toute application pratique qu’elles auraient difficilement trouvé ailleurs quelque support.
Certes aujourd’hui, les pouvoirs publics sont conscients des incidences sociales et économiques de la science, certes les organisations politiques et professionnelles portent une attention croissante aux problèmes que son développement soulève, certes les journaux, la radio, la télévision tendent à accorder une place de plus en plus grande à l’information scientifique sous des formes plus ou moins heureuses !
Mais il me paraît que cette « sensibilisation à la science » de notre société relève avant tout des applications et de la technique. Loin de moi l’idée de vouloir dénigrer cette dernière et je souscris sans arrière-pensée au lieu commun qui veut que science et technique s’épaulent mutuellement pour leur plus grand bien. C’est un fait que la haute technicité de notre société est actuellement un élément capital du progrès de la science. Et pour rester dans mon propre domaine, l’astronomie, qu’on songe aux prodiges de technique que représentent les grands télescopes optiques ou radio, les observatoires satellisés ou, bientôt, la possibilité de mesurer le flux des neutrinos solaires, nous fournissant ainsi une observation directe des conditions et des processus nucléaires au centre du soleil. Inversement, le développement de la technique devient de plus en plus tributaire des concepts élaborés au niveau scientifique le plus fondamental et des lois qui régissent les interactions dans le monde microscopique de la physique moderne.
Et pourtant, malgré cette symbiose des deux disciplines, il existe, à mon sens, une différence importante entre science et technique au niveau des motivations. La technique se propose essentiellement de modifier le monde matériel et d’accroître notre puissance et notre contrôle sur lui. Cette activité est out naturellement et en tout temps déterminée par des impératifs économiques, sociaux et moraux qui devraient être fixés par le souci du plus grand bien pour tous. On peut donc à juste titre parler, dans ce cas, de recherches et de développements orientés.
Dans le cas de la science, il me paraît que la motivation profonde relève autant tout de composantes de la conscience individuelle comme la curiosité, le désir de pousser toujours plus loin l’utilisation de nos facultés et d’en éprouver les résultats en les comparant à la réalité extérieure, le besoin de « comprendre » et d’être en paix avec le monde. Et, sous cet aspect, l’activité scientifique s’intègre dans l’aventure culturelle générale qui, depuis les origines, poursuit inlassablement ce que l’on pourrait appeler l’humanisation de l’homme.
Si une collection de faits et de relations empiriques peut constituer une technique, et son utilité n’en est pas diminuée de ce fait, par contre il n’y a pas de science sans ces synthèses théoriques partielles sans doute mais de plus en plus vastes et qui sont autant d’exemples de cette propriété étonnante de l’esprit humain quant il atteint au génie, de pouvoir induire, sur la base d’une information empirique fragmentaire, l’existence de lois et de schémas naturels dont la validité déborde souvent dans des proportions énormes le cadre étroit des faits de départ. Si c’est là la source même de l’intelligibilité du monde, c’est aussi là l’origine véritable du progrès et, en fait, la seule garantie d’un développement scientifique, et partant technique, continu.
Aussi voudrais-je terminer en exprimant le voeu que la complexité même des techniques, que le souci légitime d’en favoriser le développement et d’assurer ainsi la position économique du pays, que les besoins inévitables de cette politique tant en hommes qu’en moyens, ne nous fassent jamais perdre de vue la nécessité plus fondamentale encore d’encourager, dans une atmosphère de liberté totale, la recherche scientifique pure génératrice des progrès techniques et facteur d’enrichissement de l’homme.
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